Il faut savoir passer d’une cour à l’autre , doucement , silencieusement , bruyamment , chacun sa technique , parfois les couloirs sont encombrés , comme les escaliers roulants du métro , keep left ,gare toi , ne bouge pas, tiens toi bien
Sur la cour de l’école , un jour , j’avais été bousculée par un garçon , pas fait exprès , vlan le front contre un lavabo , plein de sang
Ma mère était venue me chercher , et m’avait emmenée chez le docteur à Bricquebec
Il avait sorti une aiguille et m’avait recousue
Ben ça alors , je pensais que c’était réservé au tissu
Beurk , recoudre la peau , ça fait froid dans le dos
J’avais eu mal au front , surtout quand je fronçais les sourcils
Ce fut la seule cicatrice sur mon corps
Rien d’autre , jamais eu de plâtre , d’entorse , de brulure , rien , mon corps est intact
Les légères plaies de mon intervention de septembre ont disparu , je n’ai pas cherché à comprendre la technique chirurgicale , ça ne m’intéresse pas en fait , du moment qu’on ne me trouve pas un sale truc dans le corps
Les brisés de la vie , les grands accidentés portent des années de souffrance , de rééducation , je crois qu’on ne peut pas se mettre un minute à leur place , de comprendre ce que la douleur impose , on ne peut pas
Je ne vais pas rejouer la partition des cicatrices du cœur , on en a tous , traces de coups , de paroles violentes , de mépris , d’incompréhension , de non dit
Et nous aussi , sommes auteurs de ces plaies là , sans le vouloir le plus souvent
Pas de couture , pas de fil , pas d’agrafes , juste le temps