Mon père conduisait l’ami 8 sérieusement , au « bourg neuf » , clignotant à droite , direction Breuville , puis Rauville la Bigot et son église , son marchand de chaussures , traversée de Quettetot , un trou , rien que d’y penser , pire que Breuville , nous arrivions après deux virages et une descente ,Bricquebec.
Je n’allais pas à Bricquebec avec mes parents pour me promener, j’y allais voir le docteur
Souvent, très souvent
Je n’aimais pas ça , bien sur , on me trouvait des trucs improbables , je me souviens rarement d’avoir décrit une douleur , j’allais voir le médecin parce que j’étais malade , tout le temps il parait …
Le docteur, un jeune médecin un tantinet vaniteux me donnait des tas de trucs à avaler et régulièrement , prise de sang
J’allais faire la prise de sang à la pharmacie, il fallait attendre, je regardais les présentoirs à rouge à lèvres , des trucs en plastique , des pots , des étagères remplies de drogues comme disait ma grand-mère
Le pharmacien était un homme sérieux en blouse blanche
Je me souviens , il m’emmenait dans une petite pièce , posait un élastique qui me serrait le bras , douleur , puis , piqure ,liquide rouge ,flacon
je disais rien, j’étais une gamine docile
J’ai bouffé des tonnes de médicaments en provenance de Bricquebec et une fois dans l’année , on y retournait voir mes cousines affublées de robes à flonfons sur les chars de la Sainte Anne
Je détestais Bricquebec, tant de souvenirs ternes , gris , mortifères .
Un jour , j’ai tout balancé
Tout
Les médicaments, la famille, j’ai dit « stop , fini «
Et j’ai commencé à vivre
Pendant des années , je n’ai plus voulu remettre les pieds à Bricquebec
J’y suis retournée une fois , au marché , j’avais envahie d’un sentiment amer , je ne pouvais plus revivre un tant soi peu tous ces souvenirs
Je n’ai jamais idéalisé mon enfance
Mais , mais , tout cela été fait pour me protéger , mon père avait peur , il me pensait malade , il faisait tout pour me soigner.
Et c’est pour cela que j’ai grandi dans une sécurité constante, mes parents ont toujours eu le souci de s’inquiéter pour leurs enfants , toujours , aujourd’hui encore
J’ai appris à lutter contre les maux , à soigner mes « nerfs «
On disait ça « c’est les nerfs «
J’étais trop émotive, trop réservée
Il fallait juste qu’on me donne la force de sourire, puis de rire
Je ne suis jamais malade , jamais
Les petits maux , je les soigne moi-même
J’ai le sourire aux lèvres, le rire dans le ventre , les yeux qui pétillent
Je suis heureuse de ce que je suis devenue
Il fallait juste quitter Bricquebec
Et le méchin
photo du net