Clément est né un peu avant guerre, la deuxième comme on dit, dans un petit village du haut de la Manche, premier des fils d’une fratrie de cinq enfants
Il hérita alors du prénom de son père, fut épargné par celui de son grand père qui s’appelait Napoléon
Clément aimait la terre plus que les cahiers d’écritures, courir après les mulots, aider aux travaux de la petite ferme, donner un coup de main pour le bois
Clément n’a pas beaucoup de souvenir de la guerre
Il quitte l’école à 14 ans, fini la petite école communale, il ira travailler là ou on aura besoin, certainement qu’il reprendra la petite exploitation du Père
Clément n’a pas beaucoup voyagé dans sa jeunesse, sauf je jour où on l’a mis de force dans un train, direction Marseille pour embarquer en direction d’Oran
Il ne rentrera pas comme avant, traumatisé par la barbarie humaine, dira plus tard, beaucoup plus tard, que s’il avait su, il aurait déserté
Que la prison était certainement plus supportable que les horreurs de cette foutue guerre
Pas simple, inconcevable à l’époque
A son retour, il refuse de travailler pour simple salaire ses repas quotidiens, il propose ses services aux Chemins de fer, il est embauché pour travailler sur les voies, dehors, c’est mieux pour lui
Clément aime le sport, tous les sports, et les chevaux
Il rencontre Martha à la St Clair, trois mois plus tard, les voilà mariés, pourquoi attendre plus longtemps …
Un tout petit mariage juste après la mort de Marylin, 1962 ….bientôt 50 ans …
Trois enfants en deux ans, un lave linge, la télévision, Clément trime beaucoup, entre ses journées au chemin de Fer et sa petite exploitation agricole
En 1990, il prend sa retraite à 53 ans
Depuis toutes ses années, Clément est heureux
Il fait son jardin, regarde ses sports à la télévision, fait une pétanque, rôti le mouton au méchoui des anciens combattants, troque sa salade, c’est un homme respecté et respectable, personne ne se fâche avec Clément
Clément a des grandes mains, il est costaud, résistant, à 75 ans il n’a pas vraiment l’allure d’un vieillard, il fait à son rythme son jardin, pas un brin d’ordure ne dépasse, impressionnant
Clément est un drôle de collectionneur
Il collectionne les bottes
Les cuisinières à bois
Les bidons de fuel …alors que la maison est chauffée au gaz
Clément n’aime pas jeter
On ne sait jamais !
Je souhaite à Clément de poursuivre sa retraite déjà entamée depuis 22 ans encore très longtemps, il l’a méritée
Clément, c’est mon père
Je l’aime
Commentaires
J'ai eu un peu le même père que toi, le mien serait plus âgé, il était artisan mais ai revenu d'Indochine avec le même sentiment que le tien d'Algérie, cet écœurement de la cruauté. Il n'a reçu ses médailles d'ancien résistant et ancien combattant que pour son départ en retraite, ses copains l'ayant convaincu qu'il méritait plus que d'autres les quelques petits francs que ça ajouterait à sa pension. Mon père n'était pas comme moi ! c'était un taiseux, je me souviens de la discussion avec son copain concernant l'obtention des médailles. mon père avait conclu : "J'irai me les faire remettre, mais je ne suis pas fier de la guerre, je ne voudrais pas que mes enfants la connaisse"
Tu as raison d'aimer ton père, mon seul regret et d'avoir trop souvent oublié de le dire au mien. Mais chez nous les démonstrations sentimentales n'étaient pas de mise nous ne nous embrassions jamais et la seule fois où je l'ai serré dans mes bras c'est quand il est parti, il avait l'air de s'y blottir.
Prend bien soin du tien.
Bizzz
JMB
C'est fort d'avoir vécu ce dernier moment là avec lui
Les guerres ont fait tant de dégâts ,on a beau se le dire , le savoir , personne n'en est revenu indemne , l'Indochine , mais pourquoi donc ?? folie de l'homme ...
Les hommes n'exprimaient rien , n'avaient pas de lieux pour dire , seules les médailles et les commémorations étaient pour eux un repère dans leur fragilité , une reconnaissance de la Nation
Mon père n'est pas un grand bavard non plus
mais il est sensible , très sensible à mon écriture , je le sais
c'est une vraie chance de le voir vieillir ainsi
vraiment , je saisis
C'est un portrait magnifique Jeanne !
Un homme simple et beau, qui porte en lui tout autant la souffrance et la joie. Ce que devrait savoir tout être humain pour VRAIMENT apprécier ce qu'est la vie.
Je suis heureuse que tu aies encore ton père.
Et oui, je lui souhaite encore de profiter de sa vie.
ce genre de billets remue toujours ceux qui lisent et qui la boule au ventre , revivent l'absence ...je pense à toi Pakita
C'est une force de la nature , c'est un homme qui aurait pu faire la haute compétition sportive , increvable !
j'ai évoqué ça avec lui , lui demandant si il avait des regrets de ne pas avoir pratiqué de sport
Je pense que oui , même s'il m'a dit que ça ne se faisait pas à cette époque
et c'était vrai , pas dans les campagnes
merci pour lui
parfois , fallait le suivre quand même !
C'est un homme protecteur , il soigne , est prévenant
et il se soignera , j'en suis sure en cas de pépin
La force tranquille ... mon Père était un peu à l'image du tien. Courageux, bon, homme de parole, un beau sourire vissé aux lèvres et du caractère, beaucoup de caractère (un peu soupe au lait parfois)! ... avec ce petit brin de fantaisie que l'on devine sur les photos.
Ton Père suit une route bien droite. Tu as la joie d'être à côté de lui. Je vous souhaite ce bonheur de très longues années encore ...
♥
je n'avais pas pensé à ça , la force tranquille , homme de Gauche en plus
Nos pères étaient des travailleurs , ils ont connu le manque , et ils étaient tenaces
il est assez obstiné quand même , disons , que le négociation est vaine quand il a décidé
mais il est généreux , tolérant , mais ..rancunier , faut pas le chercher !
merci pour tes voeux
bises
Zut! J' ai jeté une paire de botte d' un grand-oncle l' été dernier. Si j' avais su!
Beaucoup sont revenus cassés d' Algérie, Martha a sûrement beaucoup aidé ton Clément à supporter tout ça.
Il n' aime pas jeter ? Ben tu vois, t' as épousé le même ....
Une paire de botteS (sinon, le Cristophe ...............)
d:-)
Une botte de radis c'est pluss facile : radis a toujours un s au singulier comme au pluriel.
Je ne corrige que les titres.
le mien est encore pire , il collectionne les carcasses de voiture , si en douce j'en jette une , ça va se voir !
Martha a eu son lot de malheurs , deux blessés de la vie qui se sont construits ensemble
Les gens disaient à ma mère qu'elle ne devait pas épouser cet homme , qu'il était violent
elle me l'a dit plusieurs fois
il s'est occupé des bébés , ce qui était rare à l'époque , il donnait le biberon , tenait les cordons de la bourse aussi , ah lala !!!!!!!!!!!!!
je ne les imagine pas séparés ...
PB , Cristophe
pff , les fautes , j'avoue , je ne relis pas mes réponses ...
Très beau portrait !! (on se doute de la chute à un moment!!)
Tu as hérité de son gout de rien jeter, hum???
Merci Antiblues
Non ,non , et non , je ne garde pas tout
je ne suis pas atteinte de ...comment tu dis déjà , c'est déjà sorti de ma tête
je trie
le pire c'est qu'il y a une paire de bottes de mon père restée chez moi , et ben j'étais bien contente de les trouver pour passer le kascher sur ma terrasse
Et ton Kasher, il est hallal ?????MDR .........
bien sur !!
t'en rate pas une toi MDR !!!!!!!!!!!!!!!!!plus rapide que le JMB
c'est l'anniversaire de Clément ?
il a 10 ans de moins que ma mère., ne fait pas ses 75 ans c'est sûr .quil profite bien de sa retraite .
non , c'est en septembre son anniversaire
Il en a déjà bien profité de cette retraite , il reste actif , sinon il grossit
ça fait 10 ans qu'il ne change plus , ma mère , c'est pareil
ils mangent bio depuis .......... 50 ans , ça doit être ça .
Avant de savoir que c'était ton papa, je me disais que j'aimerais bien le croiser, j'ai croisé quelques anciens et j'ai souvent été enchanté, malgré ce qu'ils ont pu vivre de terrible...
Il me semble qu'ils ont su tirer profit aussi des années prolifiques de l'après guerre , pas de problèmes de chômage , un place dans la société , même les ouvriers , les cantonniers
il a toujours défendu son statut d'ouvrier , jamais syndiqué , jamais impliqué dans la vie politique
puis vint un jour , parce qu'on est allé le chercher , un investissement dans la vie associative
Je l'ai toujours encouragé pour ça
il ne veut pas s'imposer , mais fait les choses bien
j'ai hérité de sa passion pour le jardin , il ne m'a pas appris , je l'ai vu faire , c'était suffisant
il aime bien quand je lui demande des conseils , c'est un bon terrain d'échanges , et il nous a beaucoup aidés pour notre grand terrain
c'est un colosse !
Avec ce bel hommage à ton papa -à qui je souhaite encore de nombreuses années de bonheur- je pense naturellement au mien... Il avait connu la deuxième guerre, combattant puis prisonnier et revenu invalide. Avec maman, ils ont fêté leurs cinquante ans de vie commune... Une très belle fête... Pour les soixante ans, on les a fêté en petit comité un dimanche deux mois avant la date officielle... Il était heureux mais très affaibli... Il est décédé le jeudi suivant... à presque 90 ans.
Ton billet m'émeut, il reflète le lien d'amour qui t'unit à Clément... C'est beau.
Les blessures de guerre , traces indélébiles du combat , triste destin ...
60 ans de vie commune , c'est tellement rare
la vie de ta maman a forcement changé par la suite
tu es toujours là , auprès d'elle même si elle n'a plus sa maison
je sais combien la décision fut difficile à prendre Tilleul
Nos parents , on y reste attachés la vie entière
Mon grand père maternel était un drôle de bonhomme,je ne me suis jamais attachée à lui
Comme quoi ...
Mon grand père en plus d'être formidable a cet humour des jeux de mots qu'il m'a transmis.
Comme il le dit si bie, la mer c'est vague !
le seul truc c'est qu'il raconte les mêmes blagues depuis 30 ans , mais ça le fait toujours rire !
ravie de ton passage commenté Ellen
Très beau portrait !
Bises
faudra que je te présente un jour , j'ai déjà croisé ton papa plusieurs fois
bises
J'espère que Clément lira ton billet, Jeanne.
Quel bel hommage d'une fille à son père.
Tu lui diras que son jardin, au cordeau, est aussi nickel que celui de Lacroix-Laval !
Bises
OK , je lui dirai
Il n'a pas de PC , je lui offrirai une version papier , plus tard
C'est l'essence de ce blog , dire , rendre hommage aux miens
bises Soène
Très émouvante façon de présenter son père.
Tu l'embrasseras pour moi ? :)
Pastelle , je le reverrai en Juillet , je peux :)
merci , c'est toujours un exercice délicat
La vie du nôtre (et quelle vie, un roman à qui personne n'accorderait crédit) s'est arrêté à 50 ans et sa guerre, ça a été Narvik, et il a livré une terrible bataille perdue d'avance contre une tumeur au cerveau. J'avais 20 ans, et dans le coeur d'une jeune fille trop timide, trop pudique, apeurée et tremblante devant sa sévérité, le deuil* a fait des ravages
*deuil fait toute seule, sans aide, "sois forte pour ta mère et tes soeurs
C'est cruel
c'était un temps où il fallait être grand avant l'âge
Ne pas montrer sa peine , et même se montrer forte pour les adultes
20 ans , comment est ce possible ?
apeurée tu étais , tu en as certainement gardé cette image
50 ans , c'est tellement jeune ....
Beau portrait d'un papa beau.
Une petite chose m'étonne, que Clément apprécie les rencontres d'anciens combattants...
Je souhaite de belles années de tranquillité à Clément.
Bleck
Merci Bleck
Kiément , c'est comme ça qu'on dit là bas , s'est juste investi dans une association locale , des gens de la commune , de bons copains
il n'a plus de lien avec son frère avec qui il a fait l'Algérie , trop d'écart maintenant , c'est étrange
Il ne court pas après les commémorations , il aime le foot et la pétanque surtout
Si ça se trouve, il a croisé et connu mon père là-bas....
Du coup, j'ai feuilleté les albums "de guerre" et regardé attentivement les visages. Je n'ai réussi à superposer aucun cliché N&B au tien en couleur.
Clément.... rien que le prénom n'est pas prédestiné à la guerre !
Bonne journée. Bises
Il faut dire qu'il a quand même changé en 50 ans
je sais qu'il était à Orléanville
En regardant les photos noir et blanc , je ne comprenais rien à cette histoire , il m'a fallu des années pour comprendre qu'il s'agissait d'une guerre
C'est un prénom qui est revenu " à la mode " dans les années 90 , je ne parviens pas à lui trouver de pseudo , alors je garde , j'aime bien
Bonne journée à toi
bises Ksé
Il aurait pu y croiser Lépoux, né l'année de la guerre, et mon frère, mon futur beau-frère et les fiancés de mes collègues de bureau, et mes cousins. Dieu, comme on en a versé des larmes ! Pas d'album de guerre à feuilleter.
Je ne peux imaginer ce que les mères , soeurs , fiancées vivaient lorsqu'elles voyaient le dernier wagon au loin dans les gares , de cette guerre , on ne savait rien , pourquoi , combien de temps ?
Je me demande si aujourd'hui les jeunes de cette nation seraient partis , impossible de savoir , cette période me semble si proche encore
Mon père a mis des années avant de pouvoir en reparler vraiment
Un billet sur son père le lendemain de la fête des mères, tu n'es pas banale !
Clément... C'est le prénom qu'aurait porté ma seconde fille si toutefois elle avait été un homme.
Je n'y ai pas pensé en fait , je suis allée chez mes parents , j'ai fait quelques photos , et j'ai écrit ce billet par la suite
Tu n'as pas voulu l'appeler Clémence ta seconde fille ?
ça sonne pas pareil
Magnifique hommage ...Il faut qu'il lise ce billet... Longue vie à Clément!!!
Bizzz
je lui donnerai en version papier , y'a pas de réseau internet chez eux !!
le papier , c'est bien aussi
merci Méluzine
bisous
Tu lui as fait lire ce texte?
C'est beau l'amour ;-)
Bisous
non , plus tard , sauf si ma soeur le convie à le faire depuis son PC
j'ai une relation avec mon père très simple en fait
Je ne suis pas dans le mythe , l'image du Patriarche , je suis toujours restée lucide , j'ai pris le bon , j'ai laissé le moins bon
je ne cultive pas la rancune , mais je n'idéalise pas non plus
C'est une question d'équilibre
Chaque fois que j'ai mon père au téléphone, je lui redis que je l'aime. Et lui aussi. Et que ça fait du bien !
Bises à ton Papa ! J'aime comme tu en parles.
Tu fais de le faire , il faut pouvoir , pas si simple pour tout le monde
Ton père est loin géographiquement parlant , mais tout près de ton coeur , ça se voit Chriss
merci
bises à toi aussi
C'est sûrement pas très original mais ton article me rappelle mon grand-père par bien des cotés, qui n'est plus là aujourd'hui. C'est une belle déclaration sans trémolos...
"sans trémolos " oui , c'est ce que j'ai voulu , sans fioritures , tiens , ça fera l'objet d'un prochain billet d'ailleurs , on peut mystifier nos proches aussi
Les hommes d'après guerre ont eu une vie très remplie
Ton grand père devait être de ceux là MTG
C'est gentil de nous parler de ton père comme cela. Je ne savais pas toute l'histoire. Je me souviens bien de l'année 1962 ! Je peux donc me repérer. Il a l'air costaud sur la photo... bonne soirée.