Pot de retraite

Je pousse la porte vitrée de l’hôtel de Ville, salue le gardien, monte les marches du grand escalier en pierre qui mène dans la salle de Conseil Municipal, salle des mariages, salle des cérémonies, bref, la Salle.Le tapis rouge est tout taché, c’est classe, prônent le long des murs des portraits désuets des anciens maires. J’ai une pensée pour celui qui je l’espère portera dans 3 mois l’écharpe tricolore, un ami avec qui je mènerais bataille dans les semaines à venir.

Le parquet grince, je retrouve des visages connus, il fait nuit et je suis invitée au pot de départ en retraite de deux anciennes collègues.

Je salue quelques personnes, puis me dirige vers les deux héroïnes du jour, celles qui ont passé plus de 40 ans au service de la Ville, épuisées, usées par leur travail et pourtant très jolies, pour ne pas dire radieuses

 

Je pense rarement à ma retraite, à mon niveau de vie à ce moment là, je m’en fous un peu, j’aurai profité de mon activité à un rythme décent, pris 8 belles années de cette vie pour être auprès de mes enfants …J’ai changé, eu des contrats renouvelés, des temps partiels et au final  je cumulerai quelques malheureux points. Bien sur j’aurai quelque aisance financière avec les cotisations de Jérôme qui s’épuise dans son bureau d’étude pendant que sa femme écrit des futilités sur son blog. Heureusement, je me console en voyant mon mari sourire et même rire quand il surfe sur ce blog, c’est déjà ça..

 

J’imagine ma retraite dans cette même maison, elle sera entièrement restaurée, j’aurai une femme de ménage hebdomadaire, un jardiner pour les travaux pénibles.

Je regarderai l’intégrale d’Urgences sur un très vieux lecteur DVD, mes chats auront définitivement investit mon espace et feront la loi.

Mon frère aura retapé la grange ( enfin fait retapé ) avec son héritage, il aura deux pièces, un immense séjour et une chambre en mezzanine. Il viendra boire un café tous les midis, radotera toujours les mêmes histoires …

Les enfants viendront souvent, ça fera bordel dans la maison durant quelques jours.

Jérôme passera ses journées à retaper des vieilles voitures, il aura acheté un immense hangar pour les stocker et aménager son coin à lui dans le jardin. Il aura conservé son char à voile, son vélo couché, la vieille mobylette de mère, ses œuvres inachevées …

Et moi je continuerai à avoir une vie remplie, bien remplie, pleine de copains, à organiser des fêtes à tout vent, servir du café à tous ceux qui passent et exposer à droite et à gauche toutes mes créations.

 

Sur la table sont disposées des cacahouètes, des curly, des petits fours bas de gamme et du jus de fruit. On me propose un verre, du Martini, pas de bulles pour les retraités …

Un discours est improvisé remerciant les collègues de leurs loyaux services, on sent quelques tensions, y’a quelqu’un qu’a pas du faire ce qui faut dans le protocole !!!

Je cause avec plein de monde, des anciennes collègues que je retrouve d’une autre structure, je ne peux m’empêcher de faire des commentaires caustiques, et de faire rire mon public, c’est comme ça, c’est plus fort que moi. Diane l’une d’elle se ravit car elle vient de recevoir un bon d’achat de 76 euros, elle ira chez But chercher un nouveau fer à repasser. Chacun ses plaisirs …

J’embrasse fort mes collègues, elles sont contentes que je sois venue, je leur offre des bijoux ( je risque d’être invitée souvent pour les pots de retraite )

Je papote un petit moment avec l’homme, le seul présent dans la salle, quelqu’un que j’apprécie beaucoup. Il a osé une fois de plus affronter la jungle féminine, je me demande s’il a droit à un Ricard.

 

Je redescends sagement l’escalier de l’Hôtel de Ville, il fait froid, je pense à mes deux collègues, à cette nouvelle vie qui s’offre à elle, et espère qu’elles en profiteront le plus longtemps possible …

Et me dis souvent qu’on ferait mieux de prendre sa retraite vers 40 ans, c’est là qu’on est le plus en forme pour voyager, faire la fête, faire ce qui nous plait..

En attendant , moi j’ai mis mon fer à repasser en retraite anticipée .