La plus ancienne des photos de mon passé est pleine de douceur
On y voit mon père, avec dans chaque bras deux nouveau-nés, il les présente, les regarde, nos vêtements blancs tranchent avec l’obscurité de la pièce
Une autre photo de ma mère à l’extérieur, elle est souriante, joyeuse, elle porte ses deux bébés de sept mois, endimanchés, avec force et tendresse
Je suis entrée à l’école à l’âge de 6 ans, pas d’école maternelle, juste une année de classe enfantine
L’univers scolaire n’était pas terrifiant, même si la maîtresse était très distante, je ne souffrais pas de la séparation, Louis était avec moi, j’étais avec lui
Nous sommes restés cinq années avec notre mère, nous ne sortions presque jamais, quand il pénétrait dans des maisons mal rangées, Louis se mettait à hurler comme un fou, ma mère était obligée de sortir
La maison était toute petite, nous vivions en toute promiscuité, les odeurs étaient rassurantes, je n’ai jamais été confiée à une nourrice, j’ai dormi à l’extérieur vers l’age de 9 ans, chez mes grands-parents essentiellement
Tous les soirs ma mère venait nous embrasser au moment du coucher, elle faisait une prière de temps en temps, elle soulevait le lourd matelas et remettait le drap et la couverture dessous
Elle était tendre, d’une disponibilité incroyable, ma hantise était de la voir disparaître, de devoir aller habiter ailleurs, chez une tante, un pur cauchemar
Le soir, nous regardions la télé, mon père était assis dans le canapé en sky, il étalait ses grands bras, nous étions tous les trois autour de lui, nous avions chacun notre place, nous étions ensemble
Il n’y avait presque pas de chauffage à l’étage, il ne nous venait pas à l’idée de nous isoler, nous restions serrés les uns contre les autres
J’adorais cette ambiance, je m’y sentais bien, tellement bien
L’humidité des murs était estompée par cette chaleur familiale, nous vivions comme dans un nid
Commentaires
j'ai eu moi aussi un aussi joli nid... celui de l'enfance que l'on regrette toute sa vie car il s'éloigne de jour en jour, et qu'enfant l'on croit si éternel alors qu'il est si fugace finalement. merci Jeanne.
Charl / je ne pensais pas que c'était éternel , et pour bien d'autres choses j'aspirais aussi à le quitter ce nid
tu as reçu l'essentiel et à toi de transmettre à Théophile , ces petits rituels d'amours
Bon retour et merci de ton passage , j'imagine que tu dois encore être ailleurs ..
Tu dépeints là quelques chose de précieux.
La famille au sens le plus noble. C'est beau, c'est juste.
Cela me ramène quelques années en arrière, et...oui, je crois que j'ai eu cette chance-là, moi aussi...
Liam / ce qui est curieux , c'est qu'à cette époque , j'avais déjà conscience que tous les enfants ne vivaient pas ça , le bisou du soir , la présence
Ces liens sont au dela de la richesse , des moyens , du niveau de culture , ça se vit , un peu comme dans "Charlie et la Chocolaterie "
Un maison de bric et de broc , mais une vraie famille , oui
Un univers précieux, un refuge, c'est nécessaire même à l'âge adulte... Ce sont de merveilleux souvenirs d'enfance !
Une ombre au tableau en filigrane (peut-être???) : cette vie si bien protégée à l'écart de l'agitation extérieure ne risquait-elle pas de mal vous préparer à vous frotter aux dures réalités de "la vraie vie" ???
Antiblues / des souvenirs et surtout des liens , cette chose qui est semée , bien ancrée dans le coeur
Je me suis souvent posée cette question , bien sur nous n'étions pas prêts à affronter la vie , l'entrée au collège fut une vraie jungle
Mais , dois t'on dire aux enfants les premières années , "tu sais , le monde est dur , tu devras partir ?"
Non , je pense qu'on s'adapte petit à petit ,qu'il faut composer avec les méchants , j'en parle souvent avec mes enfants , je leur donne des armes , je ne fais jamais à leur place
je n'ose rajouter deux trois mots...c'est un beau et doux souvenirs...tu as dû connaitre un nid aussi douillet que le mien
Nini / tu as connu ça aussi , c'est bon de s'en souvenir , de s'en nourrir , de transmettre
Vous décrivez parfaitement l'atmosphère de l'époque.
Louis / oui , il y avait plein d'ombres au tableau , frustrations , mais dans cet attachement là , c'était très très fort les liens que nous avions
Ils perdurent en fait , differrement
Nous aimons nous blottir encore dans la maison , tous ensemble
Ce que j'aime Jeanne quand tu racontes, c'est que tu le fais simplement, comme cela est... Et puis il y a toujours des mots qui me font ressurgir des images... Ici c'est quand ta mère venait vous border... Elle soulevait le matela pour mettre les draps en dessous... Ma mère et ma grand-mère le faisaient aussi... Douce enfance et nid douillet....
Ca donne envie comme dans les bons romans où l'enfance est jolie !!! T'as de la chance d'avoir de bons souvenirs rassurants comme ça !!!
Risette / oui , ce sont vraiment de bons souvenirs
Par ailleurs la vie n'était pas facile , peu de confort , un climat humide , des contraintes , pas de loisirs , très peu de sorties
mais tout c'était là , immuable , on ne choisit pas , c'est une chance je crois
je serais bien en pein de pouvoir trouver d'aussi jolis souvenirs à raconter
dans mon monde de la ville, 2 parents qui travaillent, je n'ai manqué de rien , juste de complicité et de tendresse, j'ai d'ailleurs du mal aujourdh'ui
prendre un enfant dans ses bras..
Mlaféeclochette / d'autant plus que tu étais fille unique , absence de complicté frères et soeurs
je comprends tes regrets , cette histoire qui ne se refait pas
Je me retrouve aussi dans ce nid que tu décris, une mère qui se consacre à nous (mon frère a juste 18mois de moins que moi) et qui ne nous envoie à l'école qu'à 5ans... Un petit monde de rêve qui prépare très bien à "la vraie vie" en en étant les fondations essentielles sur lesquelles on peut encore compter aujourd'hui !
Fay / j'aime bien ce mot "fondation " , l'envol se prend quand on est prêts , comme les oiseaux , ne pas les sortir du nid trop , les pousser dans le vide
Merci de nous faire partager ce si beau cocon de ton enfance. Être accueilli dans la vie avec tant d'amour permet de se construire et c'est la plus grande force qu'un être humain puisse avoir. Bisous chaleureux.
Souamie / je crois que l'humain a force d'adaptation très forte , mais que le tout petit n'a besoin que d'une chose ,la chaleur de ses parents
Le reste n'est peut être qu'artifice , je trouve que séparer un bébé de trois mois de sa mère est d'une grande cruauté , pour la mère aussi , elle n'a pas le choix souvent , c'est ainsi
hé bien jeanne... encore une fois que c'est joli... dit comme ça, la famille doit se sentir toute chatouillée de l'intérieur...