C’était un jour de Juillet, les cuisinières de la colo étaient en congés, un peu de quiétude dans ce rythme effréné
Elles en avaient profité pour changer de quartier
Jacqueline était la cuisinière officielle, toujours au taqué, infatigable, Bernadette sa collaboratrice était une petite femme tassée qui exécutait tout avec le sourire
On les aimait bien les deux femmes, elles attendaient nos intrusions dans la cuisine de collectivité qui sentait le gras et le détergent
J’aimais cette odeur, les bruits de gamelles qui swinguaient comme un quintette, le va et vient de cet endroit, la vie qui se passait en cuisine, SAS de liens improbables …
Vers 11 h le matin j’avais la charge de réchauffer l’énorme marmite contenant un hachis Parmentier confectionné la veille pour une soixantaine de gamins
Je me souviens que l’un d’eux avait deux rangées de quenottes, impressionnant
On aurait pu ouvrir de grandes boites de conserve de quenelles, cuire des pâtes ou du quinoa mais Bernadette et Jacqueline avaient anticipé, par souci de ne pas perdre les restes de viande
En ce temps là, on recyclait les restes
L’été était chaud à St Auban
En me dirigeant vers la chambre froide, un drôle d’odeur monta dans mes narines
Une bête morte ?
En soulevant le couvercle de la marmite de hachis, j’ai cru m’évanouir
La mixture avait tourné, une horreur, déjà l’aspect n’était pas attirant, mais l’odeur qui se dégageait était indescriptible
J’ai refermé vite fait, quitté les lieux et je suis allée quérir conseils pour nourrir en catastrophe une tribu de mômes affamés encore occupés à jouer aux quilles, ballons et scoubidous …
Arnold a volé à mon secours, il aurait fallu des litres de quintessence pour extirper la puanteur qui se rependait dans la cuisine
Nous décidons rapidement d’ouvrir des boites de raviolis en grande quantité, mais le pire restait à faire, virer cette mixture indescriptible et nettoyer au plus vite les gamelles
Assez vite, nous avons trouvé la situation quasi comique, et c’est dans des éclats de rire que nous avons vidé dans de grands sacs poubelles le repas avarié, sacs qui risquaient de céder à tout instant, pesant un demi-quintal
Notre plus grand chance fut que ce jour, nous n’avons pas reçu la visite de l’inspecteur de Jeunesse et Sport, qu’aucun gamin ne fut intoxiqué, parce que rapatrier le groupe dans un hôpital à Nice n’aurait pas été une mince affaire
Au retour de Bernadette et Jacqueline, point de querelles, ni de quolibet, de quelconque explication, de quiproquos pour savoir d’où était venu le tracas de hachis avarié
Arnold n’était pas procédurier
C’était l’époque de l’insouciance, bien à l’abri des inspecteurs et quelconque législation pointue, quotas de diplômés, au final les choses étaient simples, les cuisines ouvertes aux animateurs, lieux de vie, lieux d’intimité nocturne
Chaque fois que je mets les pieds dans une cuisine de collectivité me remontent en mémoire les odeurs de gras et de détergent, je regarde presque nostalgique les énormes casseroles rangées sur les étagères, les éviers profonds où j’ai trempé mes mains tant de fois … et souvent j’entends un
« T’as pas vu le balai Jeanne ? «
Participation aux Plumes de l’été chez Asphodèle avec la lettre Q
Les mots imposés :
quenelle – quiproquo – quolibet – quiétude – quintessence – quota – quérir – quenotte – querelle – quinoa – quilles – quintette – quartier – quintal – quinquet – quelconque – quitter – quasi – quantité.
Commentaires
un petit hachis parmentier pour ce midi, quelle bonne idée !
ça sent le vécu ton histoire, non ?
prend pas de la viande qui traine depuis 10 jours dans ton frigo !!
oui , du vécu , complétement
été 1986 , ça date un peu ...
St Auban me manque !
Comme je te comprends
Je pensais à toi en rédigeant ce billet Fay
profite de ton WE , à fond !
L' odeur de ces cuisines est bien particulière; et le nettoyage de ces bacs-éviers profonds, larges et gras, si gras.....
tout un art , fallait pas être trop regardant parfois , bonjour le dos aussi pour des "courtes " comme nous !
Si je n'avais pas su que c'était pour les plumes, j'aurais cru que c'était une de tes anecdotes ! Chapeau bas Jeanne ! ;) (L'odeur de ces cuisines...bouh !)...
C'est une anecdote , que j'avais envie de raconter depuis un petit moment , les mots imposés " culinaires " en Q m'ont bien aidées , j'avoue
je fais ainsi , c'est ce qui me convient le mieux , je ne suis pas douée du tout pour la fiction
merci Asphodèle
bises
Je continue mes lectures en soirée
Mais c'est une histoire vraie à la base ?
Vraie , du début jusqu'à la fin , souvenirs , souvenirs d'un été 86
bises Chriss
Ben quoi ? J'ai été pensionnaire dans un collège de Jésuites et je suis sûr que c'est une histoire vraie...
Oui , tu dis juste , comme quoi les souvenirs restent
Bienvenue Oncle Dan
ça sent bien le vécu j'ai l'impression non ?lol
le principal c'est que l'odeur sauva tout le monde d'une visite à l'hopital !
bon week end ! bises
mais oui , sauvés par l'odeur !!
merci de ton passage , bon WE à toi et bienvenue chez Jeanne
Mine de rien, tu t'y colles à la perfection, Jeanne, avec ton anecdote d'hier !
Il vaut ne pas tout savoir dans les cantines et les restaurants d'ailleurs, sinon on ne mangerait rien !
Une belle histoire qui me rappelle une MFR dans l'Ain !
Bon we
Bons baisers d'O.
Une vraie anecdote , en effet , du vécu !
Une MFR , c'est quoi donc ?
faut que je cherche ?
Bisous , bon dimanche à toi
Jeanne! Décidément! Faut toujours tout te dire !
MFR : Maison Familiale Rurale. Y' en a pourtant plein par chez nous ...
rho !!!!!!!!!!! mais je ne connais pas tout Moua !
Heuh !!! j'espère que tu as inventé cette histoire ???? Bon, c'est un jeu, tu écris ce qui se passe par la tête.... Bien joué. Bon week end.
pas du tout , c'est une histoire véridique mais qui c'est bien terminée
je ne suis pas faite pour les fictions
bon Dimanche à toi Elisabeth
quelle histoire ! heureusement que personne n'a été victime de ce hachis :)
Heureusement !
mais ça laisse quelques souvenirs
merci de ton passage ici Aymeline
En lisant le texte, je me suis dit "C'est pas comme d'habitude", et je me suis demandé si le texte est bien de toi... Ah bah oui ! Mais c'est une création littéraire, donc normal que ça ne soit pas comme d'habitude
" une création littéraire " , tu y va fort là !
un jeu avec des Q , j'ai fait sobre , tu remarqueras !
Non je n'y vais pas fort. Certes tu n'es ni Proust ni Céline mais à ton petit niveau, c'est déjà une création littéraire.
Quel gachis ce parmentier!
m'en parle pas , moi qui déteste jeter de la nourriture ...
J'aimais le hachis parmentier de la cantine , et celui préparé par ma mère , un régal !
Oui du vécu... Moi c'était les mouches et les vers...
et c'est vrai quand on a 150 bouches à rassasier il faut de la ressources.
@ tantôt
avec les sourire
Avec toi, on commence bien les vacances sur un air rythmé et enjoué. :D Par contre, tu aurais pu nous épargner les odeurs. ;-) J'adore ton texte léger et rythmé. :D
Ouf plus de peur que de mal :-) une belle "tranche de vie" :-)
Jeanne, une MFR c'est une maison familiale rurale qui forme des apprentis !