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Le "Vû "

 

 

 

Ses enfants l’appelaient « le vû «  ou « le père » , les autres l’appelaient par son nom de famille

Il avait un prénom pour l’état civil mais rarement prononcé

Bâti comme une armoire normande , le bonhomme était un féru de boulot , la terre , les vaches , la stabu , la  chasse le dimanche , jamais d’habits de fête , sauf aux mariages , et encore , si il pouvait s’éclipser en catimini avant la fin  il le faisait

Il avait épousé Arlette la ronchon à son retour d’Algérie , cinq enfants , deux pièces dans la sinistre maison, une vie à s’engueuler , s’insulter , se cogner , tous , enfants , parents , pas de tendresse là dedans , aux abords de Bricquebec , on fait pas dans les simagrées

Un peu de confort de la maison, les sous , toujours les sous , la haine , la violence , une vie sombre ..

Le « vû » était en retraite , pas loin de 80 ans , il aurait pu se reposer

Le crabe l’a attrapé , et partout

Il n’a pas supporté l’idée des hôpitaux , soins palliatifs , intensifs , des trucs qu’il a entendu dans la télé , pas fou , il savait bien …

Le fusil de chasse fera l’affaire , pas de problèmes d’éthiques par là bas , direct , glacial

Boucherie ….

Le corps du « Vû «  a été emmené au crématorium aujourd’hui

Mon père m’a appelée la semaine dernière , pour me prévenir

Arlette , la ronchon va vieillir en paix

C’était la sœur de mon père

Le « vu «  mon oncle

C’est pas du Maupassant

Mes racines , ce que j’ai fui à grand pas quand mon cœur a compris que la vie n’était pas là bas

Pas d’attachement à cette famille , plus de quinze ans que je ne les ai pas revus , à l’enterrement de la «  Mère « 

Je sais que j’en reverrai certains aux obsèques de mes parents

Je repousse le moment …

Ma famille est resserrée

Ça me fiche le  bourdon tout ça

Heureusement, Clément  a rencontré la tendresse d’une femme , Martha , ma mère

Elle l’a changé , j’en ai la certitude

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Commentaires

  • C'est pas du Maupassant, mais c'est fort comme du Balzac.
    Heureusment que ta mère a interrompu la tradition familiale en changeant ton père... C'est beau, l'amour...
    On pense à ces romans de Bazin ou Gide plaidoyer contre la famille et ses noeuds empoisonnés.
    Mais tu es Jeanne et tout va bien !

  • Ma mère a fait preuve de confiance et d'intuition
    J'ai encore en mémoire une photo en noir et blanc fabuleuse
    mon père tenant les deux bébés dans ses bras , tout fier
    il s'est occupé de nous , il a veillé sur nous , sur notre santé , celle de notre mère surtout
    la mort aurait pu les séparer , je crois que ça les as soudés
    Tout cela est palpable pour un enfant
    cette notion de protection qui rassure
    on ne le dira jamais assez
    chaque histoire est unique
    étrange alchimie
    parfois , ça explose , ça bouillonne

    il y a l'affect , cette chose dont chacun est doté à la naissance , la sensibilité , qui peut faire souffrir , que l'on apprend à dompter
    je sais que ça te parle tout ça

  • La famille et ses ornières malheureuses on peut y échapper, on peut s'en offrir le choix, tu l'as fait.

    Bleck

  • je voyais tout , si jeune ...
    le noeud , l'argent , tout était pour l'argent

    économiser , gagner , amasser
    peur de manquer ?
    Très certainement
    manquer de quoi ?

    De l'essentiel , qui ne s'achète pas ...

  • j'ai fuit un jour aussi, il y a bien longtemps ! je ne me suis plus dérangée pour rien, ils sont devenus des étrangers,ils ne m'ont apporté que chagrin et désillusions, je ne suis pas allée non plus les enterrer, pourquoi faire ! j'ai formé une autre famille, la mienne, la vraie, on ne choisis pas sa famille mais on peut l'oublier

  • Tu as sauvé ta peau alors ..
    il ne faut pas illusionner tout une vie , se laisser croire que ..
    L'essentiel c'est de bâtir , ne pas subir , voilà

  • Seulement par alliance l'oncle vous ne partagez pas son sang, c'est plus rassurant.

  • je ne pense pas trop aux liens du sang
    mes racines sont là , je ne renie rien , ni personne
    je vois de la douleur et des vies pas qu'heureuses ...

  • Célestine a tout dit tout bien comme il faut !!
    Des conflits non résolus, des vies brisées... Mais à quoi ça sert de vivre dans ces conditions???

  • On ne posait pas de questions
    pas de burn out , pas de coaches , pas de thérapies de groupes dans ce monde là

    une rudesse agricole ...
    Une aliénation subie

    voilà

  • Ah oui, le matrimoine de Bazin ! De toute façon, pour que la sauce prenne entre frères, sœurs, belles-filles, belles-mères, nièces, il en faut toujours une ou un, ou deux, qui "s'écrase", tempère, serve de tampon, essaye d'arranger les "coups", passe l'éponge sur certaines choses... Hypocrisie ? On le fait bien dans la vie de tous les jours, dans la vie professionnelle, pour des inconnus, alors, pourquoi pas faire plaisir à la Mamy chiante, se taire devant les réflexions du beauf' vraiment beauf', oublier la jalousie, l'envie, la rancune... etc ?????

  • il ne faut pas forcer les liens , donner l'illusion de la famille parfaite , où tout le monde est content , s'aime !
    se respecter , ne pas attiser le feu
    pas simple tout cela
    je sais bien
    je lis dans tes lignes beaucoup de choses dures
    on ne peut pas faire semblant tout le temps

    juste éviter de passer des vacances ensemble

  • Bon on le regrettera pas celui là...
    En même temps il a au moins épargné le spectacle de sa décadence à sa femme... C'est déjà ça.
    Amen.

  • je pense que ce fut pire ....
    Je n'ose pas imaginer

  • je suis allée lui dire au revoir tres dur moment dommage que ses enfants ne lui ont pas dit de son vivant touts ce qu ils ont dire hier surtout sa fille qu ils l aimaient comme il etait.

  • ce fameux lien filial
    attachement , amour ...?
    La cousine heureusement était dotée d'intelligence et d'un sacré sens de l'humour , ça l'a sauvée
    est elle heureuse ?
    Il ne faut pas cultiver le mythe , tout cela reste tragique
    y'en a qui en ont bavé dans cette famille
    c'est une réalité

    les frères et soeurs n'ont plus de lien , à part l'oncle Félicien et papa
    eux seuls avaient un coeur pour leur mère , les autres l'ont laissée mourir dans un trou
    seule ...

    J'espère que nos parents partiront sans souffrir
    j'aimerais tant ....

  • Je suis attiré par les histoires avec un personnage qui a un nom comme "le Glaude", "la Voulte", "la Bûche", "le Vû"... Et je suis bien content de n'en avoir vécue aucune en vrai. Vous êtes plusieurs à vous être écartés du poids familial, c'est rassurant de voir qu'il y a d'autres voies. Et bravo à ta maman ! Bravo à toi !

  • y'a pas de fatalité , certes un héritage familial peut être lourd , mais on peut s'en éloigner
    chacun hérite d'un libre arbitre , il fait au mieux
    je ne suis pas une héroïne , loin de là

  • Elles sont nombreuses les Arlette... ma Maman en était une, quelle tristesse... à l'époque on ne divorçait pas, souvent les femmes ne pouvaient s'assumer...
    Tu as eu raison de fuir, il te fallait te construire une famille bien à toi, belle, sereine, heureuse. Ta Maman est une belle personne, c'est ce qu'elle a fait aussi avant toi.
    J'ai fui aussi (ma soeur, mes nièces...) et je m'en félicite.
    Bises.

  • ces femmes des années 60 n'ont rien connu de l'émancipation , soumises , fatalistes , peu d'entre elles partaient
    quelle vie !
    soie fière aussi Praline , tu as je crois eu ton lot de douleur , de déceptions , mais ton coeur reste intact , ça se sent dans tes mots
    tu t'es "sauvée " Praline
    bises

  • Une petite erreur s'est glissée dans cette narration !!! Le tonton n'a pas combattu en Algérie, mais en Égypte. Il a bataillé contre les troupes de Nasser, quand elles ont pris possession du Canal de Suez. Aux côtés des Anglais. Un jour, il m'avait dit que les gens devaient travailler, mais que ça ne justifiait pas pour autant de recevoir un salaire. Il regrettait de ne pas avoir d'ouvriers agricoles travaillant pour lui gratuitement, en seul échange du gîte et du couvert. Bon ....

  • en Egypte ! et ben ça alors , quelle aventure
    dingue ces jeunes qui se retrouvaient au front , si loin , sans comprendre ce qu'ils y faisaient ..

    Il avait une vision un peu féodale du travail , avoir des ouvriers au "pair " leur donner 50 francs pour la Chain Kié , en voilà qui ne votait pas Mélanchon
    un patron , un boss quoi !

    Bon ....
    Revenez plus souvent commenter Louis !

  • Tout cela donne des frissons, je ne sais comment on tient dans un milieu comme cela, on doit avoir des marques partout dans le corps.

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