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Les Pidani

 

 

Un soir , un nuit , des hommes qui boivent un coup dans le village , des américains , des gens de la campagne , la Libération , le calva sans doute et vlan ! un coup qui part, accident, balle, sang , hôpital , fatal …

Germaine prend son vélo pour aller voir son mari à Cherbourg, elle apprend qu’elle devra élever ses quatre enfants toute seule …

Sur la chemin du retour, les gendarmes lui demandent ses papiers, elle n’a rien sur elle, elle est veuve, elle s’en fout

Ils lui indiquent qu’elle pourra toucher une pension, ses enfants deviennent pupille de la Nation

Pas de confort dans la maison, quelques vaches , de la volaille , et huit mois plus tard , deux garçons voient le jour

Ils auront chacun un prénom, mais les jumeaux seront appelés les Pidani

Ils ont grandi dans le hameau, n’en sont jamais sortis, avec leur frère , et les trois sœurs , dont Louisette qui épousera plus tard le cousin Henri.

Je me souviens encore, de la ruelle, du lavoir , de leurs silhouettes , ils ne parlaient pas , poussaient des gémissements , vivaient toujours avec la vieille qui avait enduré la guerre

Elle avait amassé les sous dans des boites en métal, n’avait pas eu idée de changer l’espèce quand le nouveau franc est arrivé

A sa mort, il a fallu se rendre à l’évidence, les économies étaient bonnes à jeter

Les pidani sont toujours là, jamais marié , les sœurs ont appris la couture et ont fait leur vie

On disait que c’était arriéré dans le Hameau, loin de l’église , de l’école , avec pour seule compagnie les vaches et les voisins , des histoires , des fâcheries , des deuils …

C’était sombre , c’était humide , c’était brumeux dans le hameau

Je revois des images douces moi, j’y ai passé des vacances chez mes grands parents qui vivaient là aussi

Ma mère a raconté en détails cette histoire à Ellen , elle ne savait pas combien l’enfance de sa grand-mère avait été douloureuse , elle ignorait les brimades , les coups , l’absence totale d’affection …

Moi-même, j’ai encore du mal à imaginer son passé , son adolescence si cruelle , mais j’ai les lieux en tête , j’ai les maisons en mémoire

A quoi bon savoir d’où l’on vient ?

A-t-on besoin d’entendre les récits de nos aieuls ?

Je ne fais pas partie de ceux qui mettent leur histoire dans un sac et qui le balancent par-dessus bord

Je ne fais pas partie de ceux qui ressassent et ruminent le passé non plus

Chacun prend, reçoit et s’accommode de son passé

Mes racines sont rurales et rudes, j’ai fui la campagne à cause de tout ça , je n’y retournerai jamais pour y vivre

Les années 40 50 furent des années traumatisantes, les années 60 ont permis l’accès au confort , à l’émancipation , aux lois protégeant les enfants

Faut juste pas oublier que ça fait seulement 65 ans , pas un siècle , pas une éternité , que nos parents sont les témoins de cette période sombre et endeuillée

Faut juste écouter, comprendre et se réjouir de ce qu’ils sont devenus , de la force incroyable qu’ils ont puisé au jour le jour

Les octogénaires sont des gens honorables

Faut juste les chouchouter …

Commentaires

  • Ce n'est pas très ancien le mieux, et déjà ça périclite. Déjà, par exemple, les retraites disparaissent... Bonnes prochaines années les pauvres !

  • disparaissent ? je connais plein de retraités qui sont à l'aise
    disons , que qu'il faudra travailler plus longtemps et trouver un truc pour payer nos maisons de retraite
    faire la plonge là bas ?
    L'école reste gratuite et obligatoire

  • En une vie d'homme, il se peut qu'il y ait en effet des bouleversements sociaux majeurs... les octogénaires de nos campagnes on vu des choses pas vraiment douces probablement plus âpres que dans les villes, probablement... ma génération de citadins n'a vécu que dans un certain confort... jusqu'à maintenant.

    Bleck

  • les progrès technologiques , l’électricité , et l'eau courante
    faire travailler les enfants était légal , à 14 ans , fini les bancs de l'école ,
    14 ans , l'âge de ma Rose
    je crois qu'ils y avait de grands écarts culturels entre la ville et la campagne
    mais dans le Nord Cotentin , y'avait qu'une ville , une seule

  • @ Jeanne. Absolument Jeanne, (non ce serait un peu long)

    Le reste est sur mon très beau Blog, je t'invite à venir le consulter...

    Bleck

  • Tu as un très beau blog Bleck ? C'est un autre que celui que je visite régulièrement alors. Voudrais-tu m'en donner l'adresse ?

    Cristophe

  • j'ai lu et commenté Bleck

  • Oh comme il est beau ce billet!
    Sans doute tous les gens de cette génération n'ont pas vécu aussi durement, mais tous ont souffert de la guerre. J'y pense souvent quand j'évoque la vie de les parents. Je mesure alors la chance de ceux qui sont nés après 1945...
    Tu sais que ton anecdote ferait la trame d'un très bon film ?

  • Absolument la trame de ce billet pourrait être le point de départ de l'écriture d'un roman ou d'un scénario.

    Bleck

  • On parle souvent que ceux qui ont souffert de la guerre, on parle beaucoup moins de ceux qui ont souffert de la libération.
    ...
    ...
    Oh crotte ! Alors que j'avais été un peu ému par le billet, il a fallu que je me remette à déconner !

  • @ Cristop' - Ça ne me semble pas être si "déconne" que ça, beaucoup on souffert à la libération me semble-t-il.

    Bleck

  • Antiblues
    c'est un vrai film cette histoire
    j'ai déjà parlé de cette famille à travers Marie Rose
    http://anecdotesdhieretdaujourdhui.hautetfort.com/archive/2009/03/10/emile-et-marie-rose.html

    il y a eu tant d'orphelins , de drames ...
    pour eux , tout était lié avec l'argent , privations , cupidité
    beaucoup de suicides aussi
    et l'insalubrité des maisons , j'en parle pas !
    le début du vingtième siècle fut ténébreux ... les enfants l'apprennent dans les livres , mes enfants aiment écouter leurs grands parents , ils ont la maturité pour ça à présent

  • Ça me fait penser à mes classes (militaires) que j'ai subies(!?)à ... Laval ! il y avait dans notre chambrée un gars qui habitait dans la campagne à 30kms de la caserne et c'était la première fois qu'il quittait son village ! et il était complètement illétré ! c'était... c'était en 1966 !

  • illettrisme était assez fréquent et tabou
    le service militaire était aussi un lieu où les jeunes gens pouvaient trouver un peu de soutien parfois , tout dépendait de la caserne
    la Mayenne est un département très rural , je croise parfois des femmes qui appréhendent de venir à Laval , c'est trop grand , trop compliqué
    tu veux que j'aille faire quelques photos de la caserne , si tu te souviens des bâtiments , du nom ?

  • Tiens donc, commentairat exclusivement masculin...

    Bleck

  • les femmes n'étaient pas levées , c'est pour ça

  • Leur histoire est aussi la nôtre.Je me sens parfois très proche de grands parents que ne n'ai pas connus et je regrette de ne pas avoir posé toutes les questions à mes parent. Nous avons la chance dans la famille d'avoir le carnet de guerre de mon père qu'il écrivait au jour le jour, lorsqu'il en avait la possibilité. Il aurait aujourd'hui 106 ans !

  • c'est une chance cette trace écrite
    quand on est enfant , on n'a pas envie d'entendre parler de la guerre et de l'enfance de nos parents
    ma mère m'a toujours raconté des tas d'histoires
    l'écriture et les photos sont des mines d'or

  • Mes parents nous ont souvent raconté la guerre, ils habitaient Flers à l'époque. Enfant je réalisais mal ce qu'ils avaient vécu !

  • c'est normal , il faut un sacrée maturité pour comprendre la guerre
    ne trop en dire quand les enfants sont trop jeunes aussi
    laisser le temps ...

  • Comme Brigou, je dirais que j'ai toujours entendu parler de la guerre par mon père comme s'il était marqué à jamais. Il a raconté des tas d'anecdotes, ça m'ennuyait presque à l'époque, maintenant je regrette de ne pas avoir noté.

  • Je comprends tout ça Mel
    mon père raconte beaucoup la guerre d'Algérie , il a enfin trouvé la paix avec ça
    il était combattant pacifique
    il n'aimait pas tirer , il aimait les chevaux et les figues

  • Ton avant dernière phrase est très vraie. Il faut bien le rappeler, en parler. Quand on est petit, soit les grands-parents ne veulent pas parler de la guerre (ce fut mon cas), soit ils en parlent mais les enfants ne s'y intéressent pas. Bonne fin d'année Jeanne.

  • il faut juste trouver le moment approprié
    pas seulement de la guerre, de l'enfance en général

    écrire aussi , comme tu le fais

  • Je note qu'il s'agit bien des Pidani, les Pidani... absolument rien à voir avec les Prix d'ami, pas plus qu'avec les tétons d'Annie absolument rien à voir.

    Bleck

  • Et il est trop tôt pour l'épiphanie.

    Cristophe

  • Ton billet me parle, il est à la fois juste et touchant. Certaines choses font rire, d'autres sont plus graves. La vie de nos ancêtres pourtant pas si éloignés dans le temps ressemble à un moyen-âge pour les jeunes d'aujourd'hui. J'adore quand mes enfants parlent avec leur mamie (qui oublie ce qu'elle a mangé ce matin mais se rappelle tous ses souvenirs de jeunesse...)
    Quoi, mamie, il n'y avait pas de téléphone ? Pas de baignoire? pas de télé ?
    Ils ont déjà du mal à imaginer un monde sans internet...
    Oui, il faut les bichonner, nos octogénaires, nos mémoires vivantes.
    Bisous ma belle
    ¸¸.•*¨*• ☆

  • J'arrive en retard, la faute au réveillon !
    Comme tu as raison, moi aussi j'ai aimé écouté mes grands parents t mes parents, beaucoup d'histoires de la vie rude à la campagne, mais aussi l'histoire de mon grand-père qui a toujours vécu en ville, concierge, une autre façon de vivre que j'ai raconté.
    Et j'ai souri à l'évocation des économies "jamais changées". Nous avons retrouvé à la mort de ma grand-mère sous des piles de draps bien pliés des billet qui n'avaient plus cours !

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