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Le territoire de Martha

Lorsque ma mère s’est mariée il y a bientôt cinquante ans, elle a cessé de travailler à l’extérieur

Elle était garde d’enfants, femme de ménage à domicile

J’imagine qu’elle était une perle, les enfants l’adoraient, elle exécutait les taches avec rigueur, et elle devait être très conciliante pour ses patrons

 

Dans sa nouvelle vie, elle s’occupait de la maison, du linge, des enfants, des repas, et devait faire ce qu’elle avait toujours détesté, les taches agricoles : nourrir les lapins, traire les quatre à cinq vaches, s’occuper de la volaille

 

Elle avait une toute petite maison, faite de bric et de broc, elle ne décidait

jamais des travaux, des transformations à venir

Mon père pensait pour elle, avait peut être même pas l’idée de lui faire part de ses projets

 

Elle ne conduisait pas, elle dépendait de lui pour les trajets, elle sortait très peu, se résiliait à cette vie là, elle n’était pas malheureuse, mais  peut être quelque peu enfermée dans un lieu,, une vie un peu austère

 

Elle allait à la messe, faisait le catéchisme, mais capitula vite, ressurgissait en elle des tas de blessures et d’angoisses

 

Mon père ne lui laissait même pas un bout de jardin pour y planter à sa guise des fleurs et des plantes

Son petit bout de terre, c’était ses pots sur le bord des fenêtres

 

Il y a quelques années, elle fut sollicitée pour remplacer la sacristine qui était décédée, une bonne femme pas commode du tout

Elle fit les choses en douceur, elle arrivait avant les fidèles, préparait les objets de culte, déplaçait des chaises, des tapis …

Et au fil des mois, elle y passa de plus de plus temps

 

Je suis allée avec elle à l’église et je l’ai vue faire

 

église.jpgElle est heureuse, elle gambade, elle grogne, elle cause avec ceux qui passent, elle prend du linge, passe le balai, vide les urnes, range des trucs …

 

Elle est reine dans son église, me dit que personne ne pourra la remplacer quand elle ne pourra plus le faire, que le curé Lucas l’aime bien, que les gens disent du bien d’elle, elle avoue qu’elle se sent bien dans son église

 

C’est son fief, son territoire, c’est une reconnaissance, un travail,

Enfin ….

 

Elle a trouvé sa place, son espace à elle, où personne ne viens lui dire ce qu’elle doit faire

 

 

Commentaires

  • Voici un joli texte, un bel hommage à votre maman.

    Trouver sa place. Il y a mille et une manière de la trouver. L'important est de la trouver.

  • c'est vrai , mais dans cette vie qui fut la sienne , personne ne lui a donnée , elle a passé sa vie à subir , ça me fait de la peine parfois
    sa place est énorme dans le coeur de mes enfants , la grand mère que tous revent d'avoir , toute simple , très très maternante

    sur ses genoux Rose y trouve encore sa place

  • c'est un joli texte....
    elle s en est donc sortie de son enfermement
    voilà qui explique que tu aies parlé de sa résilience au lieu de sa résignation :D :D :D

  • Carl / elle a été longtemps résignée , mais je crois qu'elle n'avait pas le choix , mon père est borné , pas méchant mais borné , quand il décide c'est comme ça , pas de négociations

    j'ai pris le temps de lui expliquer à Noël que ma mère était heureuse dans son église , il a du mal à supporter ses absences

    Cela me rappelle que j'ai un homme en or , à chaque fois que je dois partir , les laissant seuls ..

  • Nos tendres mères, ces héroïnes sans ravager la terre. Si je devais formuler un voeux,ce serait de devenir un jour si charitable, si dévouée et si viscéralement bonne que ma mère. Je sais que parfois, ta mère fait des promenades au bord de la mer avec Louis et le p'tit chien qui est très contente : )

    Bisous, ma Jeanne.

  • Dana , je n'ai pas forcement envie de devenir comme elle , parce qu'elle a une notion de "sacrifice " que je n'ai pas , au contraire
    Nous vivons dans une époque , nos mères , leur génération nous a beaucoup aidées à devenir nous même , c'est en la voyant subir que j'ai eu nevie de sortir de ce "trou "

    quand à la bonté , la "charité " , oui , j'aspire à ça , j'y arrive pas , je suis trop entière , rebelle
    Peut être quand on aura 80 ans ...

    Louis passe beaucoup de temps auprès d'elle
    il ne peut pas s'en passer , elle non plus

  • Un bel hommage à ta maman.
    Ce qui compte c'est qu'elle se sente bien et j'ai bien compris qu'elle se sentait bien.
    les gens s'interessent à elle : en parlant d'elle, elle se sent utile.Ele a un retour, on lui renvoie quelque chose.
    C'est ça qui est important."
    J'aime bien ce qu'elle dit: personne ne pourra la remplacer"
    C'est son épanouissement
    Bises enneigées Jeanne

  • Elle a peur de ne plus avoir la force de faire ces taches matérielles
    Elle dit que c'est fatiguant , mais ça la maintient en forme

    Nos mères n'ont pas toujours eu des vies faciles , quand je vois la mienne à côté
    elle me dit que j'ai raison d'en profiter , elle comprends les changements , contrairement à ma BM
    C'est une femme très appréciée , souriante , et attentive aux autres

    bonne journée
    j'ai failli mouriiiiiiiiiiiir de peur hier avec cette neige

  • je me demande souvent si il existe de telle femme dans la nouvelle génération ou même dans notre génération...
    elle a raison Dana, ce sont de vraies héroines ... nos mamans
    biz à toi

  • Je ne sais pas
    elle n'a pas vécu la révolution féminine , c'est passé à côté , par contre certaines femmes de son époque l'ont vécues , ça crée des fossés entre elles , c'est drôle à observer

    je ne crois pas que ce soit propre aux générations , je connais des trentenaires capricieuses et égocentiques , à giffler , et d'autres , d'une douceur et pleines de compassion
    C'est sans doute lié à l'éducation , elle a des copines branchées , completement en décalage avec elles , qui sont un peu méprisantes , et moi je lui dis , que je n'aimerais pas que mes enfants les aient comme grand mère , elles sont à moitié dingues de régimes et de cures de beauté , mais ne supportent pas les enfants plus de deux heures


    biz , bonne journée

  • C'est son talent !
    C>Mais, c'est une autre époque, bien révolue... Quelle femme accepterait cela maintenant?
    Peut-être que face aux rudesses et à la complication de la vie, elle a trouvé là une valeur-refuge ?

    Beau billet une fois de plus si bien raconté ...

  • Merci

    trouver un refuge , oui , qui acceptera cette vie là ?
    Une époque révolue , pas tant que ça
    Je cotoie des femmes qui ont des vies similaires , pas de permis de conduire , pas de sorties , pas de lieux pour s'épanouir
    Dans nos départements ruraux , la quotidien est parfois rude , ces femmes sont parfois plus jeunes que moi
    (certaines sont de d'origine magrébines , elles cumullent la barrière de la langue en plus )
    Je les bouscule , en faisant attention à ne pas les culpabiliser , il y a des drames familiaux , des passés très lourds

    C'est une sacrée charge de les éclairer , il faut de la confiance , leur redonner un sens à leur vie
    C'est aussi à cela que je suis liée dans mon travail , c'est tellement passionnant
    Si je n'avais pas des exemples comme celui de ma mère ,je les jugerai très vite ,
    c'est une forme d'empatie positive
    ça ne s'apprend pas ........C'est une fois de plus l'expérience qui permet ça

  • Je retrouve tes anecdotes avec grand plaisir....
    Tu décris avec tant de précision la conditions des femmes il y a quelques decennies... et cela fait plaisir que ta mère ait enfin trouvé son espace de liberté pour le bonheur de sa fille !
    J'en profite pour te souhaiter une heureuse année Jeanne, beaucoup de joie dans ton coeur et une belle continuation de tes anecdotes qui nous font tant plaisir.
    Je t'embrasse.

  • Souamie / il est bon de parler de nos parents , grand parents , maisser trace de leur passé , ce passé parfois idéalisé
    Ma mère m'a toujours raconté sa jeunesse , j'étais là pour l'écouter , j'adorais ça , savoir ce qu'elle avait vécu avant

    je voudrais que mes enfants sachent aussi , que la vie était rude dans les années 50
    merci pour tout Souamie , tout simplement d'être sensible à cela

    je t'embrasse

  • Souamie / il est bon de parler de nos parents , grand parents , maisser trace de leur passé , ce passé parfois idéalisé
    Ma mère m'a toujours raconté sa jeunesse , j'étais là pour l'écouter , j'adorais ça , savoir ce qu'elle avait vécu avant

    je voudrais que mes enfants sachent aussi , que la vie était rude dans les années 50
    merci pour tout Souamie , tout simplement d'être sensible à cela

    je t'embrasse

  • Pour maman , je pense et elle le dit elle-même que sa vie de femme a été plus heureuse que celle avant le mariage.
    Elle était l'aînée de 11 et c'est elle qui gardait ses frères et soeurs lorsque ses parents sortaient, elle faisait les tâches ménagères, elle a été dans un pensionnat à l'âge de 7 ans jusqu'à 12 ans et là , lorsqu'elle me raconte les nonnes étaient des tyrans!!!!!!!!!!!
    Elle a vécu 1 an très heureuse, c'est lorsqu'elle a passé une année chez sa grand-mère paternelle, car ses parents habitaient la campagne et pour aller à l'école le chemin était trop long pour ses petites jambes , sa GM habitait le bourg et là elle était gâtée(enfin pour l'époque)Elle est même aller à la mer avec ses GP.

    Tu as vu trop de neige Jeanne ou bien tu as eu qqs frayeurs en marchant ou au volant......??????

  • Comme je comprends pour ta maman
    Vivre séparée de ses parents , dans un collectif rude et austère qu'elle triste vie pour une enfant

    j'imagine combien cette année avec ses grands parents fut douce

    à cette époque on ignorait les émotions et l'attachement des enfants à leur famille , on faisait le mieux pour eux , mais quels traumatismes

    Je rappelle toujours cela à mes stagiaires , celles qui pensent qu'autrefois les gens étaient des meilleurs parents

    ils faisaient ce qu'ils pouvaient ,les femmes ne choisissaient pas d'en avoir 10 ou 12 , ni de vivre en ville ou à la campagne


    pour la neige , je raconterai la semaine prochaine
    beurk , je n'aime pas ce froid
    bises

  • C'est un sujet personnel, qui doit toucher beaucoup de femmes de la génération d'avant. Ne pas travailler "à l'exterieur" et se retrouver isolée, renfermée, enfermée, seule, chez soi. Mais nous, on a aussi un outil formidable, un espace de liberté qui est notre cathédrale: internet...
    Voilà ce à quoi ton hommage tout tendre m'a fait penser...

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