Il y a quelques mois Jeannot m’interpelle
« Dis donc la Jeanne, t’es fière toi, j’tai vue au volant, tu m’as pas faite signe «
Euh, fière, non, je ne crois pas, je ne l’avais pas vu, je suis rarement capable de passer à quelqu’un de connu sans le saluer, à quelques exceptions prêts
Je crois que Jeannot a été un peu froissé …
La semaine dernière lors d’une réunion
« Je t’ai vue Jeanne au concert de Thomas Fersen « me dit le même Jeannot
« Comment ça, tu n’es pas venu me voir ? »
« Tu causais tout le temps avec ta copine (c’était Marie Camille) je n’ai pas osé «
« T’aurais du … »
Un soir, je passe à la boutique chercher de bonnes choses à manger
La vendeuse me sert, je n’ose pas demander si Paul est là de peur aussi de le déranger en plein travail
Avant de partir, je pose quand même la question, d’autant plus qu’il avait laissé un message sur mon portable
«
Monsieur B, y’a votre copine Jeanne en bas «
Et je l’entends pousser un cri de joie
« Monte Jeanne ! »
Je sais que quand il prépare une prestation, il doit être actif, ne doit rien oublier, il orchestre son matériel et ses commis
On s’embrasse et il se met à causer tout en continuant, il installe des barquettes dans des caisses, un vrai chef, il est ravi de me voir
Je m’éclipse assez vite, mais je n’ai pas regretté d’avoir pris le risque de l’avoir dérangé
C’est ainsi, nous sommes toujours pris par cette question là, peur de déranger, de ne pas arriver au bon moment, au téléphone, dans les petits groupes, dans les visites imprévus
En se prévient, on s’annonce, oubliant un peu cette part de hasard, de spontanéité
J’avoue parfois être dérangée, et dans l’incapacité partielle de le dire à la personne qui sera vraiment blessée, Le faire sentir, le dire avec des mots simples « rappelle moi un peu plus «, j’ai peu de temps «
Faire comme si, rester polis, courtois, une sorte d’ombre dans le décor
Je sais, c’est cruel.
Il m’est arrivé aussi d’être une ombre, mais dès que je m’en aperçois, je tente de m’éclipser, je ne veux pas m’imposer, m’accrocher, surtout pas.
S’accommoder, et s’adapter, me semble plus judicieux.
Que sont ces petits dérangements là face aux grands, aux gigantesques, aux imprévus insurmontables ?
Une vague, la terre qui gronde, des fracas, des dégâts …
Osons parfois déranger, juste pour se pas s’isoler, et s’ignorer …
Et dieu sait que bien des fois , j’ai aimé , apprécié qu’au cours de mes nombreux papotages , quelqu’un me tape sur l’épaule , ou m’entoure de ces bras , fait irruption dans une pièce
Un bon dérangement , quelque fois même allez , je le dis ,un vrai arrangement …