Au collège, les vestiaires des salles de sports étaient exigus
Nous devions nous changer avant le cours de gymnastique qui lui seul était déjà un vrai cauchemar
Je posais mes affaires sous le banc à lattes de bois, une immonde odeur d’humidité, de sueur et de caoutchouc me donnait la nausée
J’étais incapable de me dévêtir devant les autres, j’avais honte, honte de ne pas être à l’aise comme elles
Mon survêtement était roulé en boule dans un sac qui n’avait pas d’allure
Les filles étaient à l’aise, elles étaient fières de leur poitrine naissante, de leur soutien gorge à dentelles, fières de montrer aux autres leur corps mutant
Le mien était un boulet que je traînais depuis des années
J’étais pudique, je ne voulais rien montrer, rien, absolument rien
Ma mère n’avait jamais abordé cette question clairement, elle se moquait de nous parfois, mais avait en elle-même un rejet traumatique de la nudité
Tout cela était confus, je me renfermais sur moi-même, farouche, secrète
Mon esprit petit à petit s’éveillait aux sens, mais ce corps restait comme une armure
J’ai alors compris que je devrais vivre avec ça, au fil des ans, je mûrissais, prenant les choses sans obligation, cela m’appartenait, je n’attendais pas de conseils, n’acceptais aucun reproches, c’était mon corps, rien ni personne n’allait m’obliger à ces collectifs.
Je fuyais les vestiaires, la piscine, les douches collectives
Etrangement je retrouve ces vestiaires, qui portent un nom plus délicat : les loges
Avant nos spectacles, nous devons mettre nos tenues de scène et j’ai repensé à ces temps maudits de l’adolescence
Je me sens tellement plus libre, enfin sortie de cette cotte de fer
Il arrive même que nous devions nous changer hommes et femmes dans la même pièce.
J’ai conscience que cela peut gêner certaines personnes, qui auront besoin de s’isoler, je peux enfiler une chemise sans le poser de questions, n’allant pas chercher à savoir si quelqu’un a les yeux rivés sur moi, cela me semble futile, je ne regarde pas non plus, je me concentre sur mes affaires, essayant tant bien que mal de ne pas les semer de gauche et de droite
En me rememorant ce passé, je ne peux pas imaginer bons nombres de traumatismes que le collectif a fait subir aux enfants, aux adolescents
Les internats, le service militaire, les douches pour les sportifs
Un vestiaire, c’est un endroit où l’on peut déposer ses affaires, ce n’est pas un lieu d’exhibition
S’il est un domaine où les choses ont changé c’est bien celui du respect du corps de l’enfant et de l’adolescent
Intimité, pudeur, sont des mots qui riment pour tous les âges
Nul n’a le droit d’exiger de l’autre de se montrer, de se dévêtir
Il existe des cabines, des recoins, des séparations
Ils semblent avoir changé ces ados qui n’hésitent pas parfois à se filmer en petite tenue, mais au regards de ces images, ils éprouvent un gène, une honte.
Ils revivent à une autre échelle ces tiraillements, la transformation du corps, tantôt exhibée, souvent inhibée.