En mémoire j’ai gardé des souvenirs très précis de moments où enfant, je subissais des réflexions, des reproches, et en quelques secondes je m’écroulais en pleurs, en sanglots, que le blâme si tenté qu’il soit minime résonnait sans cesse dans ma tête, comme si je ne pouvais le surmonter, comme une plaie sanglante que je ne pouvais refermer
Les pleurs, les émotions, les tremblements, les sensations de tournis, étaient omniprésents
Personne ne m’aidait à relativiser, parfois des mots balancés « t’en verras d’autres « , rien de tout cela m’aidait à accepter les réprimandes
Je visais la perfection, chaque faille était une injustice, je faisais partie de ces enfants « éponges », ceux qui ne parviennent pas à prendre de la distance, ceux que j’appelle aujourd ‘hui les sensibles.
Comme d’autres j’étais sensible à mon entourage, quand je me fâchais avec une copine ce la prenait des proportions énormes, j’étais chavirée dans mon cœur, torturée
D’autres enfants ne fonctionnaient pas comme moi, je les voyais, les enviais, ils ne pleuraient pas, jamais, se relevaient en cas de chute, quasi insensibles à la douleur
Je vivais dans la peur, j’avais appris à capter les battements de mon cœur, je ne parvenais pas à les contrôler
Plus tard, de par ma profession, j’ai commencé à comprendre ces mécanismes infantiles, que chaque être est doté d’un potentiel d’émotions qu’il ne parvient pas à réguler, l’enfant dès les premiers mois de sa vie est particulièrement vulnérable aux changements, il a peur de l’autre, peur de la solitude, peur de ce qu’il ne connaît pas
D’autres aux contraires, sont visiblement insensibles à leur environnement, ils s’adaptent à tout, pleurent rarement, sont conciliants, et sur leur être tout semble glisser, rien ne les traverse
Je les ai appelés " les enfants canards « , comme si le plumage était totalement lisse, que les émotions ne parviennent pas à arriver dans leur cœur
J’ai rencontré des adultes qui ne laissent paraître aucune émotion
Le papa de Jérôme est comme ça, il est rarement euphorique, et surtout jamais peiné, dans les circonstances les plus tragiques, il peut parler de tout, de choses qui ne parviendraient pas à traverser ma tête à ce moment là
Il est d’humeur constante, se fâche jamais, mais vit retranché dans un bulle, qui le protège de toute agression, de toute émotion
En vieillissant, je n’ai plus envié les « canards « , j’ai fait de cette sensibilité un atout, j’ai tiré du bon, de beau de cette perception des choses, j’étais sensible à l’autre, je sentais les gens que je rencontrais, ceux qui étaient comme moi imprégnés par cette sensibilité rentraient dans ma vie avec force, les autres étaient des connaissances un peu lointaines
J’ai alors compris que j’avais de la chance de vibrer, que ce qui m’avait tant fait souffrir s’était transformé en cadeau
Il me reste des séquelles qui me rongent encore, j’aimerais parvenir à prendre plus d distance, ne pas m’arrêter à de simples broutilles qui devraient disparaîtrent
L’an passé, une copine me fait le reproche de ne pas lui avoir adresser des vœux personnels par mail
Je suis un peu vexée, je me dis cette année je ne manquerai pas de le faire
Et je lui demande si elle avait reçu mon message, elle me répond « tu sais, je consulte jamais mes mails … »
J’aimerais appuyer la touche « suppr « effacer de ma tête ce genre de contrariétés, ne plus m’en souvenir, je n’y arrive pas, ça me touche, j’y suis sensible …
Dans ce monde des blogs de vie, il y plein de sensibles, si vous vous arrêtez chez l’un de nous , que ces écrits vous touchent, que vous avez envie de réagir, par l’humour ou la compassion, c’est que vous êtes dotés de ce fabuleux cadeau
Celui de vibrer avec ses sens, ses yeux, son cœur, sa peau, ses larmes…