Mon père était agent SCNF , il s’est fait embaucher aux chemins de Fer après son retour l’Algérie ne supportant plus son père tyrannique qui voulait le faire travailler sur la petite exploitation familiale en échange de sa nourriture
Il rencontra ma mère à la Chin quié, en octobre ils s’installaient dans une petite maison sans confort que mes grands parents leur avaient vendue
Dès qu’il mettait un peu de sous de côté, mon père faisait des travaux au noir, d’abord des sanitaires et une chambre en rez de chaussée, puis deux chambres à l’étage
Rien n’était vraiment pensé pour du long terme, il aurait pu installer en premier le chauffage central mais la maison de bric et de broc suffisait pour abriter la famille comme ça
Elle était entourée de terres, un clos à pommiers, deux jardins, de quoi avoir quelques bêtes, moutons, cochons et vaches
Mon père finissait à 17 heures et commençait une deuxième journée dans la petite entreprise
, on ne manquait de rien, ou presque, comme tous les gamins des seventies, nous avions peu de vêtements, quelques jeux, quelque livre et des images Poulain
L’argent était un sujet difficile, les dépenses demandées exceptionnellement par les établissements scolaires étaient mal venues, ma mère dépendait des décisions de mon père, elle était tiraillée
J’avais quelques étrennes dans ma tirelire écureuil, j’achetais quelques cadeaux pour les autres, un peu de francs placés sur le livret et c’était tout
J’avais quelques envies, des vêtements pour ma poupée mannequin, et du matériel pour dessiner
J’aurais aimé avoir une boite de crayons de couleurs immense , et des tubes de gouache , des tubes vermillon , vert émeraude , turquoise , ocre , rose tyrien …des pinceaux larges ou fins et du papier sans ligne , des feuilles de canson , tout simplement
Je rêvais dans le rayon du rez de chaussée des Magasins réunis de Cherbourg
Dès que j’ai pu, j’ai fait du baby sitting et je dépensais mon argent de poche et mon billet de cinquante francs en prenant des cafés avec les copains et quelques paquets de cigarettes
Dès que j’ai eu le permis, j’ai commencé à travailler dans l’animation, le peu de salaire, je le gardais, au cas où.
Etudiante, je vivais de ma bourse d’Etat, et des salaires de l’été
Je ne partais pas en voyage, je ne dépensais rien, presque rien
Lorsque j’ai commencé à travailler, je n’ai pas fait de prêt, j’achetais des meubles et électro ménager dès que je le pouvais
J’avais une voiture que je remboursais rapidement à mon père, il n’avait jamais emprunté un centime de sa vie
Plus tard, notre situation financière évolua, la vie à deux offrait plein d’avantages et les tracas financiers s’estompaient
En 1997 nous avons fait l’acquisition de notre maison et entamé des travaux en fonction du temps alloué et des finances
Depuis quelques temps, nous n’avons plus de besoins réels, nous voilà définitivement propriétaires, les grandes transformations sont terminées et je n’achète presque rien
Très peu de vêtements pour moi, j’en ai assez, des basiques solides et quelque élégants, peu de vêtements pour les enfants qui réclament rarement, jamais de CD, ni livres, ni meubles, nous allons rarement au spectacle, voyageons modérément
En partie nos dépenses sont liées à l’alimentation, aux frais de forfaits, factures pour se chauffer et s’éclairer, impôts, et les études d’Ellen forcément
Je n’aime pas dépenser
Il m’arrive d’acheter quelques plantes, un peu de vaisselle, jamais de bijoux ni sacs, j’ai largement de quoi faire, j’aime de plus en plus l’idée de grande indépendance face aux nombreuses sollicitations
J’aime l’idée de moins consommer, de recycler, de ne plus amasser, entasser, de se suffire amplement de l’existant
Nous voilà équipés comme des vieux, plus de besoins , plus d’envie ?
Si, des envies, toujours remplie d’envie
Envie de chanter, de rire, de fêter, d’exploser, de me défouler, envie de câlins, de bisous réels ou virtuels, envie de valser avec les mots échangés de toute part au quotidien
Les frustrations de l’enfance auront peut être engendré une aptitude à avoir prise sur les choses
Ou auraient pu engendrer une frénésie compulsive
C’est ainsi