Le dimanche, lorsqu’il ne faisait pas assez chaud pour aller à la plage, mes parents nous emmenaient aux fêtes
La fête de Rauville qui clôturait l’été, la Ste Anne à Bricquebec, la foire de Brix, et aux Pieux : la St Clair (la Chain Quié pour Bleck)
C’était toujours le même rituel
D’abord, mon père garait l’ami 8 dans un champ, parfois boueux, surtout à St Jouvin
Puis, sous les odeurs de frites et de saucisses, nous regardions le défilé
En premier la fanfare, les manchots aux joues rouges soufflaient comme ils pouvaient dans la trompette d’autres, légèrement débraillés, tapaient sur la grosse caisse
Suivaient, les majorettes
Je regardais celles qui avaient de grosses cuisses, je n’aurais pas aimé être à leur place, certaines avaient filé leur collant, d’autres étaient trop grandes, trop vieilles
Je n’aimais pas regarder les majorettes
Mais il fallait regarder, nous n’avions rien d’autre à faire
Puis, mes parents allaient regarder un groupe de folklore normand, en costume traditionnel, certaines femmes étaient élégantes, d’autres un peu rondes, mais ils semblaient vraiment s’amuser
La scène était faite de quatre remorques de tracteur, les roues n’étaient pas camouflées
Parfois, il y avait un défilé de char avec des fleurs en papier crépon et une miss trônait sur le dernier
Elle n’était pas laide, souvent c’était une de mes cousines qui avait revêtit la robe de mariée de sa sœur sans voile ni bouquet
Ça se voyait
Mes parents n’aimaient pas la musique, mais ils étaient là
Régulièrement, nous nous arrêtions pour parler à des gens, cousins éloignés, des gens tristes, des joyeux, d’autres que j’essayais de situer, je leur trouvais des ressemblances, je retenais leur prénom
Y’avait des hommes en casquette avec une canne, des femmes endimanchées avec de gros anneaux en or aux oreilles, c’était la mode les anneaux
Je n’avais rien d’autre à faire que de regarder et d’attendre
Mes parents nous offraient une glace, je n’aimais pas la gaufrette du cornet, qui avait gout d’hostie, mais il fallait tout finir
Nous n’allions jamais aux manèges, mon père buvait une bière avec un cousin ou un cheminot puis il était l’heure de rentrer en Ami 8 pour la traite
Dans cette foule , j’étais mélancolique , je voulais fuir , j’aspirais à autre chose , d’autres horizons , d’autres plaisirs , tout était frustration et attente , attendre le mieux , fuir cette ruralité que je trouvais figée
Chaque fois que je retourne dans des lieux publics du Nord Cotentin, je ressens le même malaise, les gens ont peu changé, je ne rejette pas ces tranches de mon histoire, j’ai juste fuit …
Et je sais que jamais je n’y redeviendrai
Photo du net