Sagement allongée sur une paillasse, j’attends en compagnie de femmes très sages elles aussi, une ceinture large autour du mon ventre, dôme gonflé obstruant la vision de mes propres pieds.
Je suis détendue, enfin prête à découvrir mon cadeau
Mais avant d’ouvrir le paquet, il me faut un peu d’aide tout de même.
« Vous pensez que l’on peut me faire la péridurale maintenant ? «
« Madame, l’anesthésiste n’est pas arrivée, si on la réveille, elle va être de mauvaise humeur «
Ben réveillez la quand même, c’est son métier, moi je sais pas faire.. »
-Madame, on attend un peu, (pas trop, je connais le refrain, après il sera trop tard )si elle voit votre dossier et qu’elle découvre que c’est un troisième, elle va être en furie
Tiens, y’a des quotas maintenant, Jeanne, t’en a voulu un autre, tu vas en baver, pas question, allez la chercher, je suis prête !
-On va cacher votre dossier..
Elles sont adorables, terrorisées aussi, les pauvres dames …
Un coup de porte fracassante, et voilà le spectre en habit vert qui apparaît
J’étais prévenue, elle éjecte Jérôme d’un seul mot « sortez «
et visiblement pas bien joyeuse de reprendre du service, m’attrape par le bras et me plie en deux, déjà que je l’étais déjà, et me penche la tête en avant
Eh, mollo, je suis pas sportive moi !
Elle exécute alors, avec violence et hargne les préparatifs pour poser la grosse piqûre magique. J’ai même pas peur, j’ai déjà eu ça, fait pas mal
Elle rouspête, m’engueule, me tord, grogne …
Et moi, étrangement, je m’en fous complètement, elle peut chanter, brailler, dire tout ce qu’elle veut, m’insulter par tous les mots de la terre, ça me passe totalement au-dessus de la tête.
Je me dis qu’elle a certes un pouvoir sur moi, à cet instant précis, mais que mon bonheur va arriver bien vite, et que je me dois de lui offrir un sourire de maman radieuse, alors, c’est ce vampire qui va me soulager.
Et ce fut chose faite, au bout de trois minutes, le bas de mon corps est engourdi, je ne ressens plus rien.
Quelques minutes plus tard, je serre contre moi mon angelot de 4, 200 kg, un bébé dodu et grassouillet, mon dernier bébé, ma fille, mon autre fille.
J’ai souvent repensé à cette totale absence d’humanité, à ce moment là, comment des femmes, des hommes pouvaient à ce point pratiquer la médecine ?
Il me reste en mémoire, ce jour là, ce jour particulièrement heureux, il y a exactement 7 ans jour pour jour, ce délicieux moment où enfin, j’entamais les premiers câlins quotidiens avec Rose, ma Rose, mon grand bonheur à moi …
notre ange à nous..