Il y eu d’abord les trois petites filles, nées avant la guerre, Edith, Martha et Suzy
Les trois fillettes étaient complices, pas tellement valorisées, vous savez bien, à cette époque là, les enfants arrivaient dans les familles et fallait que ça s’adapte
Beaucoup de choses manquaient…
Le père avait donc déserté, n’avait pas remis son uniforme de soldat et avait repris ses petits boulots puisque son camion de laitier avait été réquisitionné par les allemands
Durant cette sombre période de l’histoire, deux enfants étaient nés, Jackie et Jean Daniel, beaucoup plus chouchoutés que les fillettes, ils eurent la possibilité de poursuivre après l’école primaire alors que les deux ainées furent envoyées à 14 ans dans une ferme pour travailler
Daniel s’engagea dans la Marine et Jackie devint institutrice
Les cinq enfants se retrouvaient de temps à autre dans leur village natal, auprès de leurs parents, y’avait bien des rivalités, mais on faisait au mieux pour ne pas se fâcher, préserver quelque chose, au mieux.
Des petits enfants, des vies différentes, mais toujours un besoin de se retrouver, pas forcément tous ensemble, sauf ce jour d’octobre 1977 au cimetière
La mort de ma grand-mère avait tout éclaté, ou presque, il fallait trouver une solution pour ne plus laisser seul mon grand père, il n’y avait que chez Martha qu’il était bien, il voulait vivre auprès de sa fille pour qui il avait témoigné beaucoup d’affection durant son enfance
1982 fut une sombre année
Les cinq enfants devaient se partager les biens
Ce fut un désastre, les meubles furent dispatchés, la maison entièrement léguée à Jean Daniel, et la cadette, ayant déjà eu des doutes sur l’honnêteté de mes parents, refusa bel et bien sa part d’héritage
Mon père ferma définitivement sa porte, du jour au lendemain, elle et ma mère ne s’adressèrent plus la parole
Pourtant, un jour, elle contacta le notaire, et signa l’acte de succession, 20 après, il ne restait presque plus rien
Les deux sœurs étaient fâchées, se regardaient à peine lors des obsèques de Hubert, et d’Henri, impossible d’envisager une quelconque réconciliation
Mais Edith et Suzy toujours proches de leurs sœurs, donnaient quand même des nouvelles de uns des autres
Et.il y a quelques jours, le téléphone a sonné
Martha a décroché, c’était Jackie
Elle venait rassurer sa grande sœur, ayant subi l’ablation d’un rein, elle tenait à dire à Martha qu’elle devait être confiante
Ma mère a été extrêmement touchée
30 ans qu’elle ne s’était pas adressé la parole
Elle a remercié sa sœur, n’a rien remué du passé, je sais ma mère juste dans ses rapports aux autres, elle a été touchée en plein cœur
Ma mère va subir la même opération, aujourd’hui, c’est étrange …elle est partie confiante
En douce, Edith m’a confié que Jackie viendra rendre visite cette semaine à sa sœur à l’hôpital
Elle avait des larmes plein les yeux et m’a dit « qu’est ce que j’étais contente, j’en pleure encore «
Les liens de sang sont incroyablement forts, et lorsque que l’un ou l’autre sent la fragilité de la vie, il trouve la force de mettre de l’ordre dans ses affaires, pour ne pas prendre le risque de partir fâchés
C’est émouvant
Et sincère
J’aime voir la grande complicité chaleureuse qui règne entre les trois filles devenues presque âgées, j’aime mes tantes, je suis incroyablement attachées à elles
J’ai aimé la joie dans leurs yeux qui pétillait aux noces d’or
Je ne peux pas me à faire à l’idée qu’un jour l’une d’elles partira
Je les crois éternelles …
Tableau : Vonric