Armée de son APN, chaussées par des vraies godasses de marche, telle une baroudeuse de safari, Pierrot Bâton dégaine
Les joggeurs du halage pensent naïvement que notre copine photographie les canards et autres volatiles, détrompez-vous, elle capture les mollets et les fesses des beaux mâles qui courent au bord de la rivière
Nous avons eu droit aux passages d’un beau black, très certainement footeux professionnel, accompagnés de rires et gloussements complices
« Et le droit à l’image mesdames ? »
Mais on y pense bien sur.
Voyons, il n’y a pas que sur le Net que les photos sont publiées
N’oublions pas que depuis longtemps dans une quelconque manifestation, nous pouvons tous être photographiés par la presse ou les privés :
Fête d’école, public d’un spectacle, d’un meeting, d’une manifestation sportive, et cela provoque de la fierté, de l’indignation, des ricanements, ou de l’indifférence
Mon père adore être en photo dans le journal, lors des méchouis, tournois de pétanque ou commémoration du 8 mai en tant que combattant de l’Algérie
Il découpe l’article et ne manque pas l’occasion de montrer le cliché à ses proches, sans vanité, mais avec fierté quand même
Il est reconnu par les voisins, et ça lui plait bien
Une vedette d’un jour parmi des gens ordinaires
Il y a quelques années de ça, je cherchais un ouvrage contenant des photos noir et blanc de paysages de la Hague
Dans une corbeille en vrac sur un trottoir de Cherbourg, mon regard fut attiré par ce livre « rencontres en pays hagard « je cherchais ce jour là des photos noir et blanc pour faire des essais de dessin à l’encre de Chine
En feuilletant, j’étais émue par les clichés de vie quotidienne des années 70, villages et vieilles maisons sinistres de mon enfance
Et cette photo d’un bourg, ça me dit quelque chose, évidemment, je l’ai traversé des centaines de fois, cette rue qui longe le cimetière ,une ruelle des morts ..
Un mariage, et une photo dans l’église avec le curé de ma communion et en arrière plan la voisine Louisette
De l’autre côté, un gros plan des mariés, que je reconnais et en second plan, ma mère, oui, maman, avec ma sœur Flo âgée d’’une douzaine d’année
J’achète le livre, toute émue de l’avoir déniché au hasard
En rentrant, je le montre à ma mère, elle éclate de rire quand elle aperçoit Gisela et son mari mais ….ne voit pas que la femme qui pose derrière les jeunes époux, c’est elle
Elle ne se voit pas, reconnait ensuite Flo et met un bon moment à réaliser qu’elle se trouve aussi dans ce recueil
Elle n’a jamais voulu se donner une vraie place dans les groupes, elle se perçoit si peu importante
Bien loin de ceux et celles qui dans les photos de groupes se cherchent, ne cherchent que leur propre image
Ce n’est pas un hasard
J’ai conservé ce livre parmi mes trésors de vie …