Ma mère avait une phobie des accidents de la route. A chaque fois que nous avions un peu de retard, elle s’imaginait le pire, nous n’avions pas de moyens pour la prévenir d’un éventuel contretemps, elle se laissait alors porter par des pensées les plus morbides qu’on eu pu avoir. C’était plus fort qu’elle, l’amour qu’elle avait pour ses enfants, l’angoisse de leur perte représentait pour elle une obsession constante.
Un jour, alors que je commençais à conduire, j’ai traîné un peu plus que d’habitude. A mon retour, elle me raconta qu’elle s’était inquiétée, que pendant cette attente, elle repassait mes vêtements et imaginait ce qu’elle me mettrait comme tenue dans mon cercueil, mon collier en ivoire, celui de mes 18 ans, une jupe bleue et un chemisier assorti..
Le retard était forcement lié à un accident, un accident était forcement mortel, peu d’alternative entre les deux …
C’est touchant et terrible à la fois d’attendre cela, sa souffrance tout en nous laissant vivre notre vie d’adulte..
Je commence à mon tour à laisser les enfants se déplacer seuls.
Un soir Ellen avait du retard en rentrant de théâtre en bus. Je suis allée plusieurs fois dans la rue, dans l’espoir de la retrouver, au bout de 20 minutes, j’ai vu les pompiers, des gyrophares. J’ai alors compris que son bus était bloqué à un feu, j’étais soulagée de cette explication et j’ai attendu que la route soie dégagée. Quel bonheur de la voir descendre du bus un peu plus tard ..
Quand je vais chercher Mark à l’école de musique, j’ai parfois peur de ne pas le trouver, que quelque chose lui est arrivé à l’aller. Quand il rejoint la voiture avec un sourire et le regard heureux de retrouver sa maman, j’ai dans la tête qu’il est ce que j’ai de plus précieux au monde, je l’aime avec une force indescriptible, j’ai envie de le serrer dans mes bras, il ne comprendrait pas pourquoi tant d’accès après une si courte séparation.
On met au monde un, deux, trois enfants, leur présence représente ce qu’il y a de plus merveilleux, de plus heureux, leur perte ne peut en aucun cas s’imaginer, la perte d’un enfant représente le plus injuste, le plus dramatique. Je ne sais pas comment les parents surmontent cela, je ne peux tout juste pas y penser.
Je comprends ma mère, je ne pourrai jamais lui en vouloir d’avoir eu de telles pensées morbides. Je sais juste qu’aujourd’hui j’ai cet héritage, qu’il me faudra vivre avec et faire confiance à mes précieux trésors…