Je donnais ce jour là une formation avec un nouveau groupe, c’est toujours un peu difficile pour moi, ce premier contact, il faut apprendre à se connaître, mettre chaque personne à l’aise.
Pour les accueillir, je dispose sur la table qui est en face de moi, des chevalets en carton, sur lesquels j’ai au préalable écrit le nom et prénom de chaque stagiaire.
Je leur présente le programme de la formation, leur indique les détails pratiques, horaires, repas et comme il se doit, je précise que les téléphones mobiles doivent être éteints ou activés le vibreur en cas de besoin urgent.
Une jeune femme porte de longs cheveux cachés sous un gros bonnet en laine (comme doc. Gynéco) et à ce bonnet, elle a fixé une oreillette.
Au départ, je suis un peu surprise, je me demande s’il ne s’agit pas d’une prothèse auditive, je ne lui en parle pas.
Cette femme est vêtue avec des pantalons et tuniques indiennes, elle fume des cigarettes roulées, elle arrive en retard après chaque pause, et ne prend jamais la parole en groupe. Les formations que je fais sont beaucoup basées sur l’échange des expériences, libre à chacun de s’exprimer, à moi de gérer les échanges afin de rester dans le thème de la formation et surtout éviter l’omniprésence de certaines.
J’en parle avec mes deux collègues qui assurent également la formation, elles sont aussi étonnées de son comportement, mais aucune de nous va individuellement lui parler de cette oreillette, fixée à son bonnet.
Nous sommes cependant un peu inquiètes pour elle lors de l’évaluation individuelle, ce retrait du groupe laisse prévaloir un désintérêt pour sa future profession.
Lors de l’évaluation finale, elle se montre plutôt enjouée, malgré son stress, elle est très cohérente et très ouverte, malgré quelques lacunes théoriques, elle obtient une note honorable
Nous proposons à toutes nos stagiaires, un entretien de fin de formation de 5 minutes, afin qu’elles apprécient et évoquent leur positionement sur le contrôle continu
La jeune femme s’installe devant nous, souriante, nous la rassurons sur le résultat, elle nous dit d’emblée que la formation fut pour elle une révélation, qu’elle y avait découvert tant de choses qu’elle mettait en pratique dans sa propre famille, que les relations avec ses enfants avaient déjà changé.
Nous lui parlons alors de cette oreillette, que cela nous avait surpris, elle l’avait ôtée le jour de l’examen cependant.
Elle nous dévoile alors qu’elle était en retrait du monde depuis 3 ans, qu’elle ne connaissait personne, qu’elle avait pensé vivre dans un monastère bouddhiste, que sa vie actuelle l’a déstabilisait beaucoup.
Je lui dis alors que pour elle, ce kit main libre était comme son doudou, elle rit, je lui explique que ça nous avait un peu gênée, elle ressemblait le premier à jour à une fillette qui va à l’école pour la première fois, elle ne parvenait pas à établir le contact avec les autres stagiaires.
Nous avions ce jour une autre femme, totalement différente de l’image un peu désinvolte qu’elle donnait, elle nous remercie, nous lui souhaitons plein de bonheur.
Nous sortons avec Sylvianne, parlons encore sur le parking, sans ces 5 minutes d’entretien final, nous serions toutes restées sur un jugement hâtif et erroné, je me souviendrai longtemps d’elle. Peut être la recroiserais je un jour. ?