Je laisse Louis raconter ici son épopée pour rentrer chez lui lundi dernier
L’odyssée de Louis le bipolaire (mais bien des gens ont connu pire !!!)
J’ai passé le week-end dernier chez Jeanne, Jérôme et les enfants. Nous avions programmé ma visite de longue date. Les autres fois, je venais en voiture, mais ce week-end, j’avais choisi de voyager par le train. Le temps de parcours est beaucoup plus long. Il y a deux correspondances, avec des temps d’attente plus ou moins longs. Le ferroviaire coûte plus cher que le routier, le double même, d’autant que ma voiture fonctionne au gpl, carburant particulièrement économique. Mais le train offre l’avantage d’un voyage sans soucis, sans risque d’accident, et en plus où l’on peut lire en toute tranquillité.
J’avais réservé mon trajet retour pour le lundi matin 11 mars. J’ai quitté le domicile de Jeanne ce jour-là à 8 h 20, pour la gare de Laval, où Jeanne m’a déposé. Un TER m’a emmené jusqu’au Mans en une heure. J’ai attendu là-bas quarante minutes, avant de reprendre un autre TER jusqu’à Caen. Je devais attendre ensuite cinquante minutes, mais j’ai pu profiter d’un Intercités Paris-Cherbourg en retard de quinze minutes.
Mon train a quitté Caen pour Cherbourg peu après midi. La neige commençait à tomber pour de bon. Je n’étais pas surpris : Météo France l’avait largement annoncé. Le train ne roulait pas à pleine vitesse. La chef de train nous en a expliqué les raisons dans une annonce vocale : surtout ne pas projeter de neige sur les côtés, par la vitesse, pour ne pas détériorer ou casser les vitres des trains que nous croisions.
Nous avons passé la gare de Bayeux, puis de Lison. Mais là, le train est resté immobilisé. Une annonce nous a informés qu’un convoi de déchets nucléaires bloquait le passage à Valognes (Areva transfère là les wagons de déchets en provenance de France et d’Europe vers les camions en direction de l’usine de retraitement de la Hague). Alors nous avons attendu… une heure-dix, avant de reprendre notre trajet. Je pensais que des militants de Greenpeace bloquaient le convoi. Pas du tout : le train nucléaire ne pouvait s’engager vers le terminal à cause d’un aiguillage gelé.
De plus en plus en retard sur l’horaire normal, nous avons passé la gare de Carentan, puis traversé les marais du Cotentin, recouverts d’eau et de neige. Mais à quelques kilomètres de Valognes, le train a ralenti, avant de s’immobiliser en rase campagne. La chef de train nous a vite informés de la situation : la caténaire de la locomotive ne pouvait plus capter l’électricité à cause d’une importante formation de givre sur les fils. Il était 15 h 00 environ, je ne me souviens plus très bien. Nous allions rester là au milieu de la campagne jusqu’à 19 h 00 ! On nous a d’abord annoncé qu’une locomotive diesel viendrait nous chercher de Cherbourg pour nous tracter, avant de nous dire que le train qui nous suivait se placerait à notre hauteur, sur l’autre voie, pour que nous embarquions à son bord.
Et il nous a fallu attendre fort longtemps, quatre longues heures. Nous avons tous été regroupés au fond du train. Quel plaisir que de traverser une rame corail, avec les bagages, où les systèmes électriques des portes ne fonctionnent plus, faute d’électricité ! Et sans éclairage, sans air conditionné, et sans chauffage. Il ne faisait vraiment pas chaud du tout.
Nous avons donc attendu les secours à l’arrière du train. Des voyageurs râlaient, reprochant à la SNCF de ne pas anticiper de solution au scénario d’une rame soudainement bloquée sur une voie. Je ne me suis pas posé de questions de logistique. Je ne voyage pratiquement jamais, mais je considère qu’un voyage représente une aventure qui peut effectivement mal tourner. Ce qui se confirmait dans ma situation. Et je me suis retrouvé à attendre dans un compartiment avec trois autres personnes fort sympathiques, et nous nous bien amusés. Sachant qu’il y avait bien pire que nous, des gens dans leur maison sans chauffage ni électricité ni téléphone ni internet, des automobilistes et routiers bloqués sur les routes.
La chef de train, seule à bord pour gérer l’ensemble des opérations, et la sécurité, pour une rame composée de douze wagons, a fait preuve de dynamisme, d’esprit d’entreprise, de prise en compte des clients de manière absolument remarquable. Des pompiers nous ont rejoints à bord, pour s’occuper des malades. Ils ont évacué quelques personnes.
Et enfin vers 19 h 00, nous avons quitté notre train. Nous sommes descendus un par un sur la voie enneigée, aidés par les pompiers et les cheminots, et nous sommes remontés dans l’autre train, sur l’autre voie. J’aurais aimé faire une photo, tant la scène était pittoresque, mais mon téléphone n’avait plus de batterie, et de toute façon, il n’y avait pas le temps. Il fallait aller très vite. Nous nous sommes installés dans un train bondé, mais bien au chaud, et nous avons rejoint Valognes, puis Cherbourg, notre terminus.
Je suis rentré chez moi à pied, sous une tempête de neige, avec un sac de voyage particulièrement lourd, sans pouvoir utiliser les roulettes. Impossible en effet de rentrer avec ma voiture. J’ai ouvert la porte de mon appartement à 20 h 23, soient 12 h 03 après avoir quitté le domicile de Jeanne. Contre 03 h 10 en temps normal, par l’autoroute !
Ce matin, j’ai écrit un article pour le journal local. Il est long. Je ne sais pas s’il sera publié. Je l’ai aussi envoyé à la SNCF. J’ai raconté mon aventure, et j’ai honoré l’action de notre chef de train, une personnalité hors du commun, humaine, concrète, réactive, au service de ses clients, dévouée à son travail. Et je salue les lectrices et lecteurs du blog de Jeanne. En me disant que je préfère encore me retrouver naufragé du rail plutôt que naufragé de la route.
Louis
Train sous la neige , Monet