Dans ma tête, je conserve parfaitement la configuration de cette pièce
L’appartement était situé au rez de chaussée, dans le couloir une odeur de chiens n’était pas vraiment attirante
Les artisans HLM étaient venus poser une moquette neuve.
Le lendemain, un agent avait fait le branchement de ma ligne téléphonique
J’avais choisi un téléphone à touche bleu. Avec ce téléphone, j’étais comme une fillette qui recevait le plus beau cadeau de Noël
J’avais vingt ans, je gagnais ma vie, un salaire correct.
Je ne devais plus demander, plus rendre de compte, mon autonomie financière ressemblait à une libération extrême .
Depuis ce combiné je pouvais appeler aussi souvent, aussi longtemps que je voulais la personne de mon choix .
Dans ce salon, il n’y avait rien qu’une petite table ronde de ma grand-mère, deux vieilles chaises et ce téléphone posé à terre sur la moquette neuve qui sentait encore la colle.
Plus tard j’ai acheté un canapé clic clac, nous l’avons encore dans le salon, lui promettant une retraite dès que la pièce sera rénovée
J’avais aussi une bibliothèque, elle vient d’être découpée pour faire du rangement au grenier, une commode en pin, elle est dans la chambre de Rose .
Mon téléphone était mon sauveur, je me sentais forte en cas de danger, reliée à tous, à quelqu’un, pouvant parler dans ma solitude.
Tard le soir Arnold me téléphonait, il quittait son travail, se retrouvait lui aussi face à la nuit.
La simple voix de l’autre était suffisante.
Je ne dérangeais personne, je ne devais de compte à personne..
Eternellement bavarde, j’ai usé ce téléphone comme d’autres useraient des chaussures ou un vélo, ce fut durant quatre années mon complice, mon compagnon, ma bouée.