Il m’arrivait enfant comme tout le monde de me réveiller, de ne pas avoir envie de sortir du lit, d’avoir mal au ventre ou un peu de fièvre ou tout simplement pas envie d’aller à l’école.
Ma mère m’accordait une ou deux journées de répit, et je descendais m’installer dans le lit de mes parents.
J’adorais ça, j’avais des odeurs rassurantes, il faisait un peu froid dans les les gros draps blancs mais j’étais en sécurité.
Ma mère m’apportait un petit déjeuner, j’entendais les bruits de la cuisine, bruits de casserole, de fourneau. Ma mère passait beaucoup temps à alimenter la cuisinière en bois et le poêle vétuste au fioul. Elle avait toujours une bouilloire pleine d’eau sur la cuisinière, nous n’avions pas d’eau chaude au robinet, elle s’organisait pour laver sa vaisselle, elle rêvait d’un confort, celui qu’elle avait connu à Paris quand elle y avait travaillé dans les années 50.Mais elle ne revendiquait rien, faisait les choses avec routine et perfection ;
Il y avait quand même quelque chose d’extraordinaire, c’est qu’elle était toujours là, toujours présente à la maison, elle n’avait pas permis de conduire, elle partait un peu voir une voisine, ou traire les 4 ou 5 vaches que nous avions. Mais elle était toujours là, rassurante, très maternante, dès qu’elle partait, elle revenait.
Alitée, j’écoute un vieux poste de radio qui est scellé sur la table de nuit. Il n’a jamais bougé comme beaucoup de choses chez mes parents, et il est fixé sur RTL et rien d’autre. Quiconque aurait osé changé de station se serrait vu condamné à des travaux forcés.
Le midi j’écoute les Patrick Sabatier ou autre Fabrice qui divertissent la France entière avec des jeux populaires. Puis les infos et vers 14 heures, s’installe au micro : Ménie Grégoire.
Et là je suis la fille la plus heureuse, j’adore ça. Des auditeurs, ou plutôt auditrices qui exposent leurs histoires, leurs problèmes de couple, d’amants, de familles …bref du Delerue avant l’heure. Je ne capte pas tout mais je gobe comme je peux les témoignages, ça me plait.
Ma mère aussi écoute Ménie Grégoire qui officie quotidiennement sur RTL, elle est parfois choquée, mais elle se rassasie des problèmes des autres, sans jamais parler de sa souffrance, de ses regrets..
Je peux dire qu’aujourd’hui, je ne suis quasiment jamais malade, rien, jamais d’arrêt de travail, ni gastro, ni grippe, ni angine, rien une santé de fer la Jeanne.
Par contre il m’arrive régulièrement de recevoir des appels de personnes que je connais plus ou moins , elles me téléphonent dans la journée, pour m’exposer des problèmes auxquels je trouve rarement une solution, je me contente d’écouter, de percuter un peu, parfois en me disant que j’ai des choses à faire, que l’heure du repas arrive…
Je n’ai pas l’intention dans ces moments là de me transformer en Thérèse « SOS amitié. Il m’est impossible de couper court la conversation, je poursuis avec les mots qui sont les miens.
En raccrochant, je me dis que je ne pourrais pas appeler quelqu’un pour exprimer aussi simplement une détresse ou une difficulté, j’aurais peur de déranger et j’aurais ma fierté aussi sans doute.
Il est une chose certaine aussi c’est que je ne pourrais pas appeler telle ou telle radio pour témoigner d’un sujet intime ou insolite.
Les seules fois où j’ai du garder la chambre, les séjours en maternité, j’ai toujours pris soin d’installer une radio près de mon lit, j’étais rassurée d’entendre des voix à n’importe qu’elle heure du jour et de la nuit, une seule personne me manquait … ma mère .