De temps à autre, nous allions rendre visite à notre tante, la sœur cadette de ma mère
Nous prenions une Micheline, les voyages en train étaient gratuits pour nous tous , mes grands-parents venaient parfois avec nous, mon père rarement, il travaillait en semaine .
Mon frère était très énervé de monter dans le train, moi, joyeuse de revoir ma tante, cela provoqué plein d’excitation les jours d’avant .
Arrivés à la gare de Caen, ma grand-mère avait un don inouï pour traverser n’importe comment la voie ferrée, à cette époque, les voies souterraines n’existaient pas .
Une fois, en route, nous avions aperçu mon père sur la voie en bleus de travail, guettant à son tour le passage du train.
Nous nous dirigions rue Caponière , en taxi je pense, retrouver ma tante .
Elle était religieuse, mais elle travaillait dans un hôpital psychiatrique comme infirmière
Nous arrivions devant une grande porte en bois, une Sœur nous accueillait et nous emmenait voir ma tante .
Je redoutais ce moment, nous devions parfois traverser des salles, odeurs aseptisées, et je croisais des créatures au regard sombre et terrifiant, des personnes gémissantes en charentaises et chemises de nuit.
Il y avait des personnes âgées, des adultes atteints de trisomie 21, toujours en quête d’un câlin, d’un geste tendre, il y avait des vieillards hagards..
Quand ma tante arrivait, elle se mettait à notre hauteur et nous tendait les bras, c’était un moment de retrouvailles extrêmement chaleureux..
Nous déjeunions avec elle, les religieuses sous connaissaient, elles nous aimaient beaucoup, nous nous sentions chouchoutés, paradoxalement bien dans cet univers insolite, celui de la psychiatrie .
Nous allions explorer le parc, pendant que les adultes parlaient de tout, de rien, les malades nous regardaient, parfois nous disaient quelques mots, pas toujours compréhensibles..
En fin d’après midi, nous remontions dans la Micheline pour rentrer à la maison .
Quand j’ai fait mes études, j’ai pu faire mes stages à Caen
Ma tante avait réussi à me trouver une petite chambre chez des religieuses, c’était un peu le couvent comparé à la cité U, mais je m’en accommodais, parce que j’aimais beaucoup la ville de Caen et j’étais lasse des trajets Cherbourg Le Havre, pas vraiment direct.
J’allais voir ma tante de temps en temps, c’était un moment tellement plaisant
Je venais sans prévenir, en me voyant elle disait
« tiens te v’la !! «
mon frère aussi était dans cette ville à cette époque
Je retrouvais ces repères de mon enfance, j’adorais ça,
La dernière fois que j’y suis allée, j’ai rencontré par le plus grand hasard un animateur de colo, quelqu’un de très très drole, qui m’aimait bien d’ailleurs , il travaillait au centre aéré de l’hôpital .
Ma tante est en retraite
Elle a gardé le contact avec les malades, elle passe beaucoup de temps à l’hospitalité de Lourdes, elle adore ça, les vieux, les contacts avec les bénévoles
Je ne la vois pas souvent, elle a beaucoup compté, c’est une personne drôle et tonique
Quand j’étais petite, elle était parfois en repos chez mes grands-parents, j’ai des souvenirs d’avoir dormi avec elle dans un grand lit, très haut avec des tas de couvertures sur les pieds …