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  • 50 francs

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    Vers l’âge de douze, treize ans, nos parents nous donnèrent de l’argent de poche

    50 francs à l’époque

    je déposais le billet dans ma tirelire écureuil, et il restait coincé, c’était pénible

    Félicien le parrain de Louis était généreux aux étrennes, il lui donnait un billet aussi

    50 francs, durant des années, aucune augmentation, pas  plus, rien n’était négociable  

    Avec cet argent j’achetais des cadeaux pour l’anniversaire de  Louis

    Des maquettes pour son train électrique

    Je n’achetais rien pour moi, pas de livres, pas de bricoles

    A la fête des mères, on se cotisait pour offrir quelque chose à maman

     

    Au lycée je faisais du baby sitting

    Je partais le soir, et je rentrais le lendemain, je gardais les trois enfants d’une voisine snob mais très gentille

    J’avais un forfait , 50 francs la soirée, ça me convenait bien

    Je n’avais pas de dépenses en sorties, j’achetais un paquet de cigarettes par semaine, c’était  tout

     

     

    J’ai pensé alors à l’argent de poche de mes enfants

    En sixième, ils reçoivent dix  euros, en quatrième ,douze   euros et au lycée vingt euros plus des tickets de cinéma .

    Je ne veux pas qu’ils aient de l’argent plein les poches, ça se gagne, je voudrais qu’Ellen fasse du baby sitting, elle en est capable a présent

     

    Ils reçoivent beaucoup d’argent à Noël, par mes parents, les temps ont changé, mon père leur donne un gros chèque, je le place à la banque, je voudrais qu’ils apprennent à épargner, à ne pas dépenser n’importe comment

    Ma mère me le reproche parfois, mais après elle trouve ça normal

    L’argent était une vraie obsession pour mon père, j’en ai souffert, toute dépense devait être justifiée, c’était terrible, j’ai manqué, culpabilisé.

    Aujourd’hui je me sens libre, je sais gérer mes envies et mes besoins, je voudrais leur transmettre ça sans que ça vire à l’obsession, ce n’est pas facile

     

    Aviez vous votre argent de poche ?

  • Fan

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    On ne cherche pas forcement à devenir fan, c’est une aventure hasardeuse, solitaire, pudique, excessive, démonstrative

     

    Les premières fois que j’ai entendu cette voix suraiguë, j’étais envoûtée, avec mes piètres économies j’achetais le 33 tours de son premier succès

    Je l’écoutais en boucle, isolée dans ma chambre sur le seul électrophone de la maison

    Ce n’était pas un chanteur à minettes, il n’était pas populaire, un peu énervant, peu souriant

    A fil des années, j’ai commencé à guetter chaque passage télévisé, découpant des photos, copiant ses textes sur un cahier .

    Je l’ai vu évoluer, travailler sa musique, j’étais toujours envoûtée par cette voix insolite, pouvant descendre dans les graves pour monter encore plus dans les aigus

    Il était mon refuge, mon compagnon, ma force

    J’aimais tout chez lui, je devenais passionnée, littéralement absorbée par ce chanteur

    Au fond de moi, j’avais l’intuition qu’il partirai jeune, peut être parce qu’il parlait souvent de la mort, de la sienne

     

    J’étais blessée par les moqueries, je ne parlais pas de lui, ou très peu, je continuais ma route, connaissant par cœur toutes ses chansons, chantant avec ma voix de soprano comme je pouvais,

    Il s’engagea dans l’humanitaire, c’était l’époque des concerts pour l’Ethiopie, le restau de cœur. l’arrivée de la Gauche

     

    Il me passionnait encore plus

    Je forgeais ma conscience, je me tenais debout, ma vie devenait passionnante, heureuse, je vivais ce que je voulais

     

    La mort me l’arracha, cruellement, violemment

    J’étais effondrée, déchirée, cherchant desesperement sa musique, de nouvelles chansons

    C’était fini, la fin d’une époque aussi, tant de départs après lui, ses amis..

    Mon bonheur fut tout de même de l’avoir vu sur scène, j’en avais déjà parlé ici, c’était un des plus cadeaux de Louis

     

    Je ne l’écoute plus, ces chansons passent encore sur les ondes, des reprises, pas forcement les meilleures

    J’ai gardé tous les vinyles, je connais encore tous ses textes, tous par cœur

    Les fois où je vois des images filmées à la télévision, j’ai le cœur serré, j’aurais des choses à lui dire, c’est trop tard..

     

    Juste un petit bout de texte que je trouve particulièrement bien écrit

     

    « L'enfant séché sur le sol d'Erythrée

    Les traits tirés

    Tire un trait

    Sur cette terre aride et ridée

    Dont il a hérité »

     

    Depuis ce jour de janvier, j’ai connu le vide musical, mais j’ai grandi, on ne choisit pas ces aventures là..

  • Traumatismes

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    A cette époque, comme tous les enfants, nous étions vaccinés contre les maladies contagieuses et dangereuses, qui me faisaient peur rien que de les lire, Diphtérie, Tuberculose, polio …

    A ces mots j’associais un fauteuil roulant, des béquilles ou de longues agonies

    Les vaccins étaient administrés aux enfants de la commune, à la Mairie, collectivement, le mercredi matin

    Un vieux monsieur, le Docteur B, me terrifiait, il bougonnait, faisait mal, et surtout, j’étais totalement traumatisée à l’idée de devoir me dévêtir devant tout le monde, et en particulier devant l’instituteur qui était toujours là, parce qu’il était secrétaire de Mairie

    Toute mon angoisse était contenue, je ne disais rien, je ne revendiquais rien, la seule intimité pourtant à laquelle j’avais le droit, ma pudeur, mon corps

    C’était traumatisant, j’avais peur, je vivais ça comme une agression ultime

    J’aurais payé n’importe quoi pour que les vaccins soient fait par le médecin de famille

    Certains élèves avaient ce privilège, je les enviais, pour nous ce n’était même pas envisageable .

    Ma mère ne nous prévenait pas, elle nous emmenait vers l’église et toc, on se retrouvait devant cette porte de bois, comme un prisonnier que l’on mène à l’échafaud, je savais aucune issue possible

    Des mères étaient là, attendaient, leur gamin sur les genoux, c’était un pur cauchemar

     

    Je n’osais même pas voir le carnet de vaccinations, le carnet de Santé bleu, c’était la trace d’un passage si douloureux

     

    Quand mes parents allaient voter, sur le parking de la Mairie, j’étais terrifiée, cette porte m’angoisser, je gardais tout, n’osant même pas dire ou gueuler « je veux pas ! « 

    Aujourd’hui encore je tremble comme une feuille en déposant mon bulletin dans l’urne

     

    Le docteur B est mort, je suis tombée raide dingue du Docteur Ross et mes enfants adorent notre Docteur H qui la dernière fois leur proposant des patchs anesthésiants avant le vaccin .

     

    A tous ceux qui croient encore que dans les années passées, on savait mieux » élever » les enfants, que dire  de tous ces traumatismes latents, cette idée que les enfants sont des trucs qui peuvent se dévêtir comme on épluche un oignon, sans réserve, sans intimité.

     

    Je suis encore traumatisée par ces silences, en parler ou l’écrire, je le fais avec violence, pour aider aussi les lecteurs à comprendre qu’on ne minimise pas le corps d’un enfant, qu’on  respecte les émotions, l’individu

     

    Je le fais aussi parce qu’un de mes lecteurs m’avait inspiré l’idée de parler des vaccins, terreur de l’enfance, et je pense que ça vous parle aussi …

     

     

  • Les p'tits bonhommes

    Avec Louis quand nous étions enfants, nous avions notre jeu favori

    On jouait aux petits bonhommes

    Avec des figurines récupérées dans les boites de Vache qui rit, on s’inventait des personnages, leur donnait un nom et on les faisait parler pendant des heures

    Il ne fallait pas en perdre un seul, ils étaient d’une seule couleur, pas très détaillés

    Je crois qu’il y avait Tintin, le Capitaine Haddock, et puis le fou indou..

     

    Je raffolais de ces petits personnages, je les avais à portée de main, tout le temps.

    Il y avait une souris bleue, aux grandes oreilles, c’était notre préférée, nous l’avions appelée Ritieu, ça faisait toujours rire mon père.

     

    Plus tard, j’ai offert des figurines à mes enfants, à la moindre occasion, un petit bonhomme, héros de dessins animés, de fiction

     

    Chacun leurs figurines, restées, posées délicatement sur un meuble, une étagère

     

    Voici les figurines de Rose

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    Celles de Mark

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    Et celles d’Ellen ...

    Ils ne jouent pas avec, ils ont tout le bonheur de les regarder, de les avoir à portée de main

     

  • La tasse de bonbons

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    Lorsque par la force des choses nous devions rendre visite à mes grands-parents paternels, c’était sous le signe de l’austérité et de la rigueur

     

    La maison était sombre, une table au milieu de la pièce, la cuisinière à bois, la télévision et le réfrigérateur, un buffet.

    Il n’y avait pas de cheminée

    Parfois on s’aventurait à aller fouiner dans la chambre, ça sentait le renfermé, il y a avait des tas de tapis poussiéreux et lourds que mon père et mon oncle avaient rapporté d’Algérie

    Pas d’animaux, pas de jouets, quand il pleuvait nous restions assis à la table, devant un verre de vin coupé d’eau, un Petit Beurre tout ramolli

     

    Il y avait deux chambres à l’étage, je suis allée qu’une seule fois

    Je me souviens y avoir vu une petite coiffeuse, assez élégante, elle supporte à présent l’écran et le clavier avec lequel je rédige cette note

     

    Au moment de partir, ma grand-mère ouvrait la porte du buffet et en sortait une tasse en pire jaune et nous disait

    « Voulez-vous un bonbon ? »

    C’était comme une récompense, un trophée

    Je mangeais l’acidulé, le goût acide restait au palais, cela ne me procurait aucune sensation, c’était un rituel

     

    Je n’aime pas les bonbons, j’en achète jamais, sauf aux anniversaires des enfants, des bananes très jaunes, des fraises..

     

    Parfois on m’offre des bonbons, des spécialités, des nougats

    Je ne les mange pas, les enfants n’en raffolent  pas après non plus.

    Je les garde, tout en haut d’un élément de cuisine inaccessible

    Le temps passe, le sachet reste fermé, c’est un don, un cadeau, je suis incapable de le jeter, parfois la date est passée, il me faut prendre une décision

    Je n’ose pas dire que je n’aime pas les bonbons

     

    Ma grand mère maternelle avait un placard dans lequel elle rangeait des tablettes de Crunch, sans lui demander nous allions ne chercher un morceau

    Mes parents font des stocks de barres chocolatées pour mes enfants

     

    Ils ouvrent aussi la porte du buffet , fermée à clé, les enfants ont ce rituel là

    Les grands-parents perpétuent à leur façon ces petits dons sucrés.

     

    Je préfère le chocolat

  • Les corvées

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    A l’automne nous étions réquisitionnés pour aller ramasser les pommes

    Nous partions dans le clos des pommiers en début d’après midi et en sortions à la tombée de la nuit

    Je détestais ça, mes doigts étaient transis par l’humidité, nous n’étions pas équipés, de mauvaises bottes en caoutchouc aux pieds, je n’en voyais pas le bout

    Mon père charriait les paniers remplis jusqu’au tas qui grossissait petit à petit

    Nous n’avions aucune récompense, nous devions faire cette corvée là

    Il y en avait d’autres, le foin, les haricots verts, les betteraves à piquer,pommes de terre à ramasser .

    Je n’étais pas du toute motivée, je préférais jouer dans ma chambre .

     

    Je n’aime pas les corvées, je ne fais pas les choses sur un temps long, j’ai besoin de changer d’activité souvent .

    Le ménage est fait par petits bouts, un jour les sanitaires, le lendemain, l’aspirateur, une chambre , passer une journée entière à faire du ménage est au dessus de mes forces ?

    Pareil pour les vitres, une ou deux de temps en temps, j’en ai marre j’arrête.

    Le pire se sont les évaluations écrites de mes stagiaires, je suis incapable de m’asseoir deux heures pour les corriger, au bout de trois, je butine, comme une abeille, je suis déjà sur autre chose

    Je n’aurais jamais pu être prof

    J’admire les gens qui s’astreignent aux corvées, de confiture, de conserves, de peinture, de ponçage …

    Je jardine un peu tous les jours, mais retourner le jardin en une après midi, je n’y arrive pas, désherber la totalité du terrain, impossible

    Je ne suis pas toujours efficace mais je m’ennuie jamais, le quotidien ne me pèse pas, il est rythmé par des petits rendez-vous imprévus, des contacts, des apaisements créatifs, ponctués par l’actualité du jour, la radio ma compagne, mes chansons , mes  chansons , mes gamberges cérébrales .

     

    Mon père a oublié ces temps de corvée, il est convaincu que c’est arrivé parfois, un peu .

    Il fut élevé dans le rendement, comme beaucoup de familles, la rentabilité

     

    C’est un fait, je ne suis pas du tout rentable..

     

    Je ne lui en veux pas , je choisis de faire autrement .

  • Jolie poupée

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    Vers l’âge de cinq ma grand-mère maternelle m’avait offert une poupée et une poussette

    Une jolie poupée aux cheveux blonds et plantés, un très joli sourire

    Je l’adorais.

    La poussette fut vite hors service mais la poupée me suivi partout, enfin dans ma maison, sa seule sortie officielle fut la clinique quand on m’ôta les amygdales.

    Il était hors de question qu’elle ne dorme pas de ma chambre, il m’arrivait de me relever tard si jamais elle était restée dans une étable

    Je l’avais appelée Claire

    Un peu plus tard, je l’avais rebaptisée Stéphanie, mais j’avais regretté, un prénom choisi, c’est pour la vie.

     

    Chaque année, ma mère lui faisait une toilette

    Elle commençait  par la laver sous la douche, puis elle la séchait, et pour boucler ses cheveux, elle prenait ses plus petits bigoudis et enroulait les boucles sur les petits rouleaux

    Elle l’a mettait à sécher au soleil, pendant ce temps  lavait ses vêtements, qu’elle suspendait ensuite sur un fil

     

    Je la suivais, la regardait faire, elle avait des gestes surs, doux

    Quand la poupée était sèche, elle ôtait les bigoudis, et donnait un léger coup de brosse, ma poupée était magnifique

    Avec son vernis à ongles rouge vif, celui qu’elle mettait à ses orteils l’été pour aller à la plage, elle posait du léger coup de pinceau sur chaque ongle de la main de ma poupée

    Elle repassait sa robe, je remettais les chaussures, et ma poupée était comme neuve, magnifique

    J’avais énormément de chance que ma mère prenne ce temps là,pour ça , pour moi , elle m’a toujours donné le goût de respecter les choses, de les faire tenir , de les préserver .

     

     

    J’ai conservé cette poupée dans ma chambre d’enfant, elle trône auprès de l’autre poupée à la berceuse de Brahms

    Elles cohabitent avec un baigneur, pas trop beau, et avec  Barbie et Ken

    Ce sont les seuls jouets qui me restent.

  • Couscouuuuuuuuuuuuus !!

    Tu baguenaudes dans les pâturages,
    Tu t'en vas te promener, Belle des Champs
    Qu'il est blanc, qu'il est crémeux ton fromage
    Dis, donne-nous en un peu, Belle des Champs

     

    Joli texte, certaine que la mélodie vous est restée dans la tête un bon moment, parce que les pubs légères et vives de ces années 80 restaient ancrées dans notre mémoire.

     

    Richard Gotainer en a composé des dizaines

    Celle ci, le fameux fromage bucolique  , et bien sûr la boisson aux oranges , avouons que les moyens étaient faibles et les budgets restreints, mais efficace cependant

     

    N’oublions pas ce bijou musical , couscous !!!!!!!

    Il a repris sa chanson « Primitif «  pour recomposer un morceau pour une marque de vêtements , peu de moyens là encore, mais j’ai encore la chanson en mémoire

    « Moi être  zinzin de ta fantaisie » ça c ‘est du texte !

     

    Allez pour les fans, une chanson.

    J’aime bien, c’est tonique, et puis.. Souvenirs, souvenirs …

     

     

  • La soupe

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    Après avoir épluché des carottes, pommes de terres, poireaux, ma mère plongeai ses légumes dans l’eau de  la grande marmite qui bouillait sur la cuisinière en bois

     

    L’odeur embaumait la cuisine pas aérée, je n’aimais pas trop

    Une fois les légumes bien cuits  elle plongeait  le mixer dans le récipient, salait, et versait une poignée de vermicelle

    Ma mère faisait deux ou trois par semaine, de la soupe

    C’était toujours la même avec  les légumes ramassés au jardin.

    L’hiver nous mangions tous les soirs cette soupe , l’été, elle laissait place à  la laitue avec des oeufs durs, j’adorais ça.

    Nous disions la soupe, jamais le potage, c’était un mot de livre de lecture, ça faisait riche de dire du potage, d’ailleurs je ne vois pas trop la différence entre les deux .

     

    Jamais ma mère ne s’aventura à mettre un autre légume dans sa soupe, tomate, potiron ( on ne savait même pas que ça existait )

    Parfois elle mettait des haricots trop avancés pour être mangés, c’était immonde de retrouver un fil dans la soupe

    Il y avait toujours un bout de carotte qui passait au travers des crocs du mixer

    Je ne pouvais absolument pas avaler ce bout rebelle

    (Contrairement à Antiblues qui en raffole, le voilà ce billet ! )

    Alors ma mère faisait exprès de le mettre dans mon assiette pour rigoler

     

    Je n’aime pas la soupe, j’en fais jamais, j’en ai trop mangé, oui je sais, c’est sain, équilibré mais je peux pas.

    J’aime les légumes crus, en salade, tous, en quiches, ou cuisinés

    Nous mangeons beaucoup de légumes

    Quand les enfants étaient plus jeunes, je leur faisais de bonnes purées, carottes, épinards et pommes de terre

    Je rajoutais trois gouttes de jus de betteraves rouges, pour faire une purée rose

    Ils me la demandent encore

    C’est délicieux la purée de pommes de terre, mais bien moulinée avec de la crème, du lait, du beurre.hum

     

    Mais pas de soupe !

  • Une fleur de province

     

    Le téléviseur était posé sur le réfrigérateur

    Cette installation de fortune nous permettait de regardait la télé en mangeant, le midi, c’était "midi première "avec Danièle Gilbert .

    L’émission était en direct, il y a avait souvent des imprévus, des manifestations, des pannes techniques, des mouvements de foules , des bandes sons qui partaient sans le chanteur .

     

    A cette époque, les chansons légères, les carrières courtes et éphémères existaient déjà

    La chanteuse Charlotte Julian, au physique singulier, interprétait ce titre

    Fleur de province , l’histoire d’une pauvre fille, qui débarque avec sa valise, à Paris

    L’émission de variétés du midi, se déplaçait en province, tout comme les jeux de 20 heures

    C’était l’époque où on mettait en scène, avec un léger mépris, de chanteuses de français moyens, qui après un tube ou deux, remballaient vite fait leurs sacs pour retourner dans leurs campagnes faire l’animation des galeries marchandes

    On fit la même chose en propulsant fin des années 80, la génération des chanteurs issus de l’immigration, avec les princes du  Raï, Cheb Mami, Faudel, et Khaled

    Ils prônaient la paix, et se bouffaient le nez entre aux pour avoir la première place, avant d’être rattrapés pour deux d’entre eux par la justice, parce qu’ils avaient la main un peu lourde sur leurs épouses

    (au passage j’étais écœurée en voyant de quoi ils furent capables, belle hypocrisie)

    Ils ont laissé la place aux autres.

     

    Dans les années 70, un autre univers musical enflammait la planète, bien loin de ce que la variété du moment offrait à mes oreilles de gosse

    Un petit bijou, rien que pour avoir la pêche.

     

    Je voudrais chanter ça en chœur !

    Ce soir , serrés les uns contre les autres , pour la dernière fois , nous chanterons

    «  Let the sunshine
    Let the sunshine in
    The sunshine in ……………”

    c’est déjà beaucoup

  • Bricqueboscq (2)

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    Peu de temps après ma communion, en 1977, ma grand-mère eu un souci de santé

    Elle fut hospitalisée

    Nous n’étions  pas inquiets, mon grand-père paternel y allait souvent

    En rentrant de l’école un soir, mon père pleurait fort, c’était bouleversant , il du nous avouer que notre grand-mère était morte, après cinq jours d’hôpital, d’une embolie

    Nous n’avons pas pu la voir, je l’ai quittée un jour, elle allait très bien, et puis fini, le cimetière, des gens qui défilaient, des cousins, les sœurs de ma mère qui faisaient des histoires ..

    Mon grand-père fut totalement anéanti, inconsolable .

    Il pleurait à longueur de journées, son chagrin était insurmontable, lui rieur, sa vie était finie, rien ne serai comme avant .

    Quand nous retournions à Bricqueboscq, le tic tac de l’horloge m’angoissait, j’étais triste, je cherchais vainement dans mes souvenirs, j’explorais les moindres recoins pour la retrouver, j’aurais donné n’importe quoi pour qu’elle revienne,

    Ma mère était malheureuse, elle proposa à mon grand-père de venir tous les midis pour déjeuner, il noyait sa peine dans l’alcool

    Un jour la décision fut prise, il s’installa chez nous

    Louis lui laissa sa chambre et s’installa dans le bas de l’escalier

    C’était invivable, Flo était en pleine crise d’adolescence, je détestais ma vie de collégienne, mon grand-père avait plein d’habitudes qui nous pesaient, nous devions passer dans sa chambre pour aller nous coucher

    Nous vivions à 6 dans cette toute petite maison, Miquette avait rejoins notre logis

    Parfois mon grand-père partait deux jours chez ses filles, mais il disait toujours qu’il était bien content de revenir chez Martha

    Sa vue baissa, il ne supportait plus de ne plus lire son journal

    Il restait des heures assis au bord la table de la cuisine, pensif, triste

    Il voulait rester ici, nous ne pouvions pas cohabiter

     

    Un lundi, mes parents partirent au marché de Bricquebec

    A leur retour, ils ne l’ont pas trouvé dans la maison, mon père a cherché, il l’a trouvé dans le hangar à foin

     

    Comment imaginer à cet instant précis ce qu’il a vécu, sa terrible détresse la poussant à lâcher prise, sans au revoir, sans lettre, sans message, il est parti, la retrouver..

    Je n’imaginais pas vivre tel traumatisme, telle douleur, j’avais 17 ans, trop jeune pour accepter, assez âgée pour comprendre

     

    La maison de Bricqueboscq fut louée, je n’y suis jamais retournée, je ne veux plus passer devant, j’ai assez d’images dans ma tête

     

    J’ai demandé à garder la poupée habillée en noir, c’est la mienne .

    Je me suis souvent dit que ma grand-mère était partie trop tôt, je n’ai pas idée de ce qu’elle serait devenue, son caractère si entier, elle serait peut être devenue insupportable

    J’ai eu la chance de vivre ces moments là, la chance d’être entourée de cette manière là, la chance d’avoir tout garder au chaud, précieusement

     

    Mon enfance s’est envolée en 1977, en 1983, j’ai commencé à vivre .

     

     

     

     

  • Bricqueboscq (1)

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    Nous ne partions jamais en vacances, à part quelques jours en famille en banlieue, mon père prenait ses jours de congés pour faire des travaux de jardin, les foins, les corvées

    Mes grands-parents maternels venaient nous chercher en 2 CV, nous allions Louis et moi passer trois jours chez eux

    C’était en 1973, 1975, a peu près, les loisirs n’étaient absolument pas organisés

     En arrivant à Bricqueboscq, nous avions nos habitudes, nos jeux, nos rituels

    Il y avait un sifflet blanc et rouge, avec une ficelle, que l’on faisait tourner, une bouteille avec un couple de danseurs qui valsaient au son de la boite à musique mécanique

    Nous passions du temps aussi a tourner l’essoreuse à salade

    Ma grand-mère nous laisser faire ce qu’on voulait, on vadrouillait aux alentours pour promener Miquette son loulou blanc

    On avait appris à ce toutou à faire des grimaces

    Nous montions au grenier, il y avait un casque de guerre qui me faisait peu, des tas de magazines « Notre temps «  empilés

    Ma grand-mère cousait des vêtements pour ma poupée, elle adorait ça, ils étaient très bien ajustés, solides

    En fin d’après midi, nous sortions le tourne disque

    Il était très moderne, on pouvait empiler des 45 tours qui descendaient

    Ma grand-mère rapportait des disques de ces pèlerinages, des histoires de saints, elle avait aussi un disque de Fernandel que nous connaissions par cœur

    Elle était d’une disponibilité incroyable, elle adorait notre présence, mon grand-père était très facile, jamais de réprimandes, rien, aucune autorité

    Nous étions très dociles, jamais d’idées farfelues

    Dans les chambres, il y a avait des tas de trucs vieillots, de la dentelle, des tas de tissus, une poupée habillée en noire que je n’avais pas le droit de toucher, je pouvais juste la regarder de loin, enfermée dans une armoire, des cahiers de mon oncle militaires

    J’aimais l’odeur de cette maison, tout ce qui s’y passait, chaque vacances étaient une fête, elles ne duraient que trois jours et deux nuits

  • Sage comme une image

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    A l’école primaire , dans le cahier du jour , je trouvais, si celui était propre et sans ratures , un bon point.

    C’était un petit papier rose , et il donnait droit à un cadeau exceptionnel , si on en avait dix : une image

    L’image en question était déposée dans le tiroir du bureau de la maîtresse, elle en disposait une dizaine devant moi et je choisissais .

    C’était souvent des photos de Saturnin, le canard, ou un cochon d’inde avec des lunettes sur le nez, alors devinez, ben oui, moi j’adorais ça !

    Je les gardais précieusement, je les regardais, ma pile s’étoffait de jours en jours

    Je n’aimais pas les bon point usagers,  je préférais les neufs .

     

    Dans les tablettes de chocolat, il y avait une image, d’animaux aussi, à collectionner

    J’aimais bien , les enfants aiment collectionner, tout et ‘importe quoi, les cailloux, les plumes, les figurines, les cartes, les timbres ..

     

    L’image c’était la récompense, l’encouragement, les élèves qui n’écrivaient pas bien n’avaient pas d’image, mais en fait je pense que ça leur était bien égal .

    Parfois ils étaient punis, je n’ai jamais été punie, c’était quelque chose d’impossible

    Un jour la maîtresse avait dit à ma mère, qu’elle ne nous punirait jamais avec Louis car elle serait totalement incapable de nous consoler, on aurait pleuré pendant au moins deux jours..

     

    L’autre soir, en la coiffant je raconte le bon point  et les images à Rose

    « ben ça sert à rien ? « 

    « Ah et les cartes Pokemon ça sert à quoi, hein ?? « 

    Les enfants ont gardé ce besoin de collectionner, les petshops ont remplacé les images du chocolat, les industriels ont depuis longtemps bien compris le besoin, et je plains les pauvres parents qui se ruinent, pour que leur progéniture ait Toute la collection des feuilles de la petite souris allemande ( qu’est qu’elle m’énerve celle là ) les petites bêtes, les cartes brillantes, des trucs qui finissent dans des boites, ou revendues dans les vide greniers.

    Et là, moi, nous, on est heureux, parce que justement, c’est là qu'on  les achète !!

  • Les marionnettes télévisées

    Comme beaucoup d’enfants, j’étais fascinée par les marionnettes, télévisées forcement puisqu’on ne sortait jamais

    Mes plus anciens souvenirs remontent aux marottes de Tahon en 1972

    Les marottes dansaient, s’agitaient, elles n’avaient pas de bouche, le principe était de les actionner à l’aide d’un bâton

    La compagnie André Tahon, avait aussi réalisé les Sourissimo, sourissimo.jpgc’était des marottes souris qui s’agitaient comme des folles, elles se multipliaient, s’enfuyaient en braillant, j’adorais !

    Plus tard, avec les « Visiteurs du mercredi  » les marionnettes étaient de taille humaine, des gentils monstres, comme Brock et Snock, Casimir et compagnie BROCK ET SNOCK.jpg

    Il y eut aussi Les sentinelles de l'air , les thunderbirds : une série de science fiction, avec des marionnettes totalement articulées, des espions et la belle lady Pénélope

    Non seulement je ne comprenais rien, mais ça me foutait la trouille

    Louis adorait ce programme, des fusées, des avions, des explosions, un bonheur !

    Plus tard, j’adorais le Muppet show , ce show cultissime avec Kermit la grenouille, Peguy la cochonne et les deux vieux ronchons

    kermit.jpg

    Ils avaient l’art d’inviter des guest stars à ce mythique rendez-vous britannique

    Ca me faisait rire, et les personnages me ravissaient parce que c’était des animaux

    J’ai mis du temps à comprendre que je n’aimais pas les marionnettes à figure humaine, que je préférais les toutous, les grenouilles, les ours, comme dans Saturnin, Aglaé et Sidonie..

    Les pantins articulés me font encore peur parfois, comme dans un mauvais film d’horreur, étrange sentiment

     

    Louis regarde les marionnettes sur la chaîne cryptée, je ne regarde pas, faute de temps, d’envie

    Depuis le temps que ça dure ..

     

  • Sinistre maison

    cochons_flous_1175160696.jpg

    Le dimanche, après avoir mangé le poulet, nous débarrassions la table, on faisait la vaisselle, mon père balayait et passait la serpillière, ma mère posait vite fait son rouge à lèvre, ajustait sa montre et tous les cinq, dans l’Ami 8,nous partions faire une visite

    Mes oncles et tantes habitaient tous aux alentours, mon père avait décidé à l’avance du lieu choisi

    Parfois, il n’y avait personne, alors on essayait une autre maison

     

    Celle là était un peu sinistre

    Ma tante Arlette, la sœur de mon père, nous accueillait en bougonnant, ronchonnant, elle pleurait de rage parfois .

    Son mari, un agriculteur un peu frustre était souvent parti à la chasse

    Il n’y avait qu’une pièce, un évier posé le long du mur, et une grande table avec des bancs

    Mon cousin Jean Michel regardait Starsky et Hutch

    Il y avait des chiens énervés qui nous sautaient dessus, pas bien propres, ni affectueux .

    Accrochés au mur, je fixais des   photos de vaches encadrées, des bêtes de concours, une photo de classe  jaunie

    C’était sombre,  aucun jeux, une grande chambre humide pour les cinq enfants, Guylène, la seule fille avait un paravent à côté de son lit

    Elle aimait la campagne, les bêtes, les veaux, les cochons

    Avec elle, on partait vers la stabulation, ça sentait mauvais, c’était boueux

    On rigolait, on passait une partie de notre temps à dénigrer le reste de la famille 

    Plus tard, Louis la retrouva à la fac

    Les deux fils aînés firent des études universitaires, mon oncle commerçant ne les aimait pas, il disait qu’ils étaient révoltés

    L’oncle Raymond  revenait de la chasse, il marmonnait avec sa Gitane maïs au bout de la lèvre

    Les parents buvaient un verre de vin, puis un café, ils ne parlaient pas trop politique, ma mère disait rien ,ou peu.

    Les enfants ressemblaient à leur père, ils étaient costauds, les joues très rouges

    Tous sauf Jean Michel, il était maigre, palot, toujours en retrait

    Il était menuisier , il n’aimait pas l’agriculture . 

    La tante se plaignait tout le temps, elle détestait sa vie, tout lui était pénible, ils passaient leur temps tous à s’insulter, étaient incapables de se parler sans gueuler, ils se frappaient parfois ,se provoquaient

    Mon père disait que c’était spécial , ils parlaient que d’argent .

    Je n’aimais pas y aller, c’était sombre, hostile, j’ai toujours cru que jamais le soleil n’était venu jusque là …

     

    Normal, l’été nous allions tous les dimanche à la plage