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  • Les vestiaires

    Au collège, les vestiaires des salles de sports étaient exigus

    Nous devions nous changer avant le cours de gymnastique qui lui seul était déjà un vrai cauchemar

    Je posais mes affaires sous le banc à lattes de bois, une immonde odeur d’humidité, de sueur et de caoutchouc me donnait la nausée

    J’étais incapable de me dévêtir devant les autres, j’avais honte, honte de ne pas être à l’aise comme elles

    Mon survêtement était roulé en boule dans un sac qui n’avait pas d’allure

     

    Les filles étaient à l’aise, elles étaient fières de leur poitrine naissante, de leur soutien gorge à dentelles, fières de montrer aux autres leur corps mutant

     

    Le mien était un boulet que je traînais depuis des années

    J’étais pudique, je ne voulais rien montrer, rien, absolument rien

    Ma mère n’avait jamais abordé cette question clairement, elle se moquait de nous parfois, mais avait en elle-même un rejet traumatique de la nudité

    Tout cela était confus, je me renfermais sur moi-même, farouche, secrète

    Mon esprit petit à petit s’éveillait aux sens, mais ce corps restait comme une armure

     

    J’ai alors compris que je devrais vivre avec ça, au fil des ans, je mûrissais, prenant les choses sans obligation, cela m’appartenait, je n’attendais pas de conseils,  n’acceptais aucun reproches, c’était mon corps, rien ni personne n’allait m’obliger à ces collectifs.

    Je fuyais les vestiaires, la piscine, les douches collectives

     

     

    Etrangement je retrouve ces vestiaires, qui portent un nom plus délicat : les loges

    Avant nos spectacles, nous devons mettre nos tenues de scène et j’ai repensé à ces temps maudits de l’adolescence

     

    Je me sens tellement plus libre, enfin sortie de cette cotte de fer

    Il arrive même que nous devions nous changer hommes et femmes dans la même pièce.

    J’ai conscience que cela peut gêner certaines personnes, qui auront besoin de s’isoler, je peux enfiler une chemise sans le poser de questions, n’allant pas chercher à savoir si quelqu’un a les yeux rivés sur moi, cela me semble futile, je ne regarde pas non plus, je me concentre sur mes affaires, essayant tant bien que mal de ne pas les semer de gauche et de droite

     

    En me rememorant ce passé, je ne peux pas imaginer bons nombres de traumatismes que le collectif a fait subir aux enfants, aux adolescents

    Les internats, le service militaire, les douches pour les sportifs

     

    internat-old-350x239.jpgUn vestiaire, c’est un endroit où l’on peut déposer ses affaires, ce n’est pas un lieu d’exhibition

     

    S’il est un domaine où les choses ont changé c’est bien celui du respect du corps de l’enfant et de l’adolescent

    Intimité, pudeur, sont des mots qui riment pour tous les âges

    Nul n’a le droit d’exiger de l’autre de se montrer, de se dévêtir

    Il existe des cabines, des recoins, des séparations

     

    Ils semblent avoir changé ces ados qui n’hésitent pas parfois à se filmer en petite tenue, mais au regards de ces images, ils éprouvent un gène, une honte.

    Ils revivent à une autre échelle ces tiraillements, la transformation du corps, tantôt exhibée, souvent inhibée.

  • Un bol en Pyrex transparent sur un torchon plié en trois

    Ma mère posait sur la table en formica jaune de la cuisine un bol en Pyrex transparent sur un torchon plié en trois

    Elle cassait l’œuf, récupérait le jaune et donnait le blanc à Tarzan qu’il lapait goulûment 

    Elle avait disposé ses ingrédients autour du bol, l’opération pouvait commencer

    Je m’asseyais au bout de la table, je savais ce qu’elle préparait, c’était un ravissement, si jamais j’étais un peu loin, elle m’appelait pour me prévenir que le rituel était commencer

    fouet.jpgElle versait un filet d’huile, très fin et à l’aide de son fouet à manivelle elle brassait le jaune et l’huile en douceur

     

    L’opération était délicate au commencement, elle s’appliquait

    Petit à petit un mélange magnifique et divin prenait forme, c’était onctueux, elle rajoutait un peu de vinaigre, du sel et du poivre,

    La mayonnaise était prête

     Son dernier geste était pour moi

    J’avais le droit de lécher le fouet, les restes de cette précieuse sauce

    J’adorais ça, c’était une pure folie, même si je ressentais le  goût métallique du fouet, je me régalais

     

    Quand ma mère nous servait  un râtelet( rôti  de porc) avec des frites et de la mayonnaise, c’était absolument exquis, il n’y avait rien de plus fabuleux, le goût, la consistance …

     

    Parfois je mangeais trop de mayonnaise, alors dans la nuit j’étais malade, trop goinfre, les jaunes  œufs étaient riches

    Je vomissais, me jurais que je ne mangerais plus de mayonnaise

     

    Triste  résolution qui ne tenait pas deux heures

    J’aime toujours autant la mayonnaise, surtout avec les crustacés, j’en raffole !

    je la réussis à tous les coups, au fouet, en trois minutes montre en main

    J’y mets beaucoup de moutarde et une cuillère de fromage blanc pour alléger

     Je n’en fais presque jamais, pour m’alléger et conserver ma taille de guêpe

     

    la-sauce-mayonnaise-legere_27_1.jpgElliot est  accroc à la mayonnaise

    Il en mangerait un saladier rempli

    Lors des repas en famille, nous réquisitionnons un bol que nous plaçons entre nous, celui ci est censé ne pas bouger

    Parce que si par malheur quelqu’un le déplace nous sommes contraints indéfiniment de poser cette fatale question

    «  Ou est la mayonnaise ? « 

    et dans le vacarme infernal de la tablée familiale, rien ne nous assure d’avoir une réponse avant que le café soit servi

     

    nous sommes avisés et imparables dans ce domaine …

    plus jamais malade non plus ..

  • Le maringoin

    En 1995, nous avons fait un voyage  au Québec avec Jade et Romain

     

    C’était une escapade paisible, itinérante, sous un soleil de plomb

    Après Montréal et Québec nous avions poursuivi notre route dans un village habité par les amérindiens

    Les moustiques étaient redoutables, les maringouins comme on dit la bas

    L’un d’eux m’avait sauvagement attaqué au mollet et celui ci avait triplé de volume en une journée

    C’était un peu douloureux et pénible cette allergie et je redoutais qu’un insecte maléfique me pique au visage

     Brutalement Jade s’approche de moi, et me dit, oh y’en a un là, sur ta joue

     

    «  Au secours, je vais gonfler !! « 

    rien ne se passa le-moustique-38040.jpg

     

    Dans la nuit je fus réveillée par un drôle de sensation, mon œil était fermé, je sentais ma peau tirée

    je me lève en douce et me dirige vers la salle de bain, allume la lumière et devant le miroir

    ‘rhaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa !!!!! « 

    a monster , a freak in front of me

     

    Je me retiens de brailler, pour ne pas réveiller la chambrée et me rendors péniblement

    Au matin, Jérôme découvre avec stupeur le visage de son épouse défiguré, pousse un cri à peine contenu

    C’était pas beau à voir, ma joue était gonflée, ma paupière énorme, mon œil fermé, la sensation désagréable

    Mais je ne m’inquiétais pas plus que ça, me disais que le mal était fait

    Les commentaires de Jade et Romain allaient bon train, et nous avons vite pris le parti d’en rire !

    Je n’ai pas quitté mes lunettes de soleil pendant deux jours, même dans l’hôtel et les magasins, au risque de me faire passer pour une pétasse, je préférais épargner nos amis de la belle province d’un tel spectacle

     

    Deux jours plus tard, mon faciès est revenu à la normale, je n’ai plus jamais eu ce genre de désagréments

     

    Même pas eu peur

    Même pas eu l’idée de me faire réapatrier pour si peu

  • La langue de boeuf

    rembrandt_le_boeuf_corch.jpg

    En ce temps là, tout me prête à penser que la médecine était moins pertinente qu’aujourd’hui …

     

    J’avais à peine dix ans, j’ai eu un aphte dans la bouche, énorme, qui ne partait pas

    Puis deux, puis trois, puis plein, partout …dans la gorge, des horribles pustules purulents ( pardon Cahuette pour ton petit déjeuner )

    Manger était un calvaire, je perdais du poids, je ne quittais plus le lit, je ne pouvais plus poser pied à terre

    Mon père passait des heures à me faire avaler un petit bol de soupe, je buvais par petit peu

    Le médecin presque chauve venait avec son gros sac comme dans les films

    Je prenais des médicaments, rien n’y faisait pour calmer la douleur

    J’avais en plus un appareil dentaire !

    Pour clôturer le tout, j’attrapais une mononucléose bien évidemment

     

    Aujourd’hui, j’aurais été hospitalisée, perfusée, antibiotiques et tout le reste, on aurait fait des tas d’analyses pour en trouver la cause

     

    On avait diagnostiqué une fièvre aphteuse, très courante dans la race bovine, rare chez l’homme

    D’après mes parents, j’ai attrapé ça en mangeant de la langue de bœuf !!

    Il devait pas être très forme ce bœuf, et les autres, pourquoi n’ont ils rien eu ?

     

    Aujourd’hui, des tests auraient été faits, des expertises, le boucher serait en prison et j’en passe

    Mais j’avais une santé de fer, et je m’en suis remise, mais vous imaginiez bien que j’aie plus jamais mangé de langue de bœuf, et même sous la torture, je n’en mangerai jamais

    Pourtant il y avait une bonne recette chez mlaféeclochette

     

    Parfois, je me demande si je n’ai pas vécu dans les années 30

    Je pense avoir attrapé ce truc à cause du lait …

    Non ?

  • La cité des femmes

    équerre.jpg

    Ce professeur de maths avait la passion des chiffres, des stats, des racines carrées, mais il y avait quelque chose qu’elle détestait, c’était les élèves qui n’aimaient pas les maths,  ceux qui ne comprenaient rien

     

    Elle arrivait dans sa salle de classe, jetait ses clés sur son bureau en soufflant, remontant sa mèche de cheveux blonds et là commençait sa journée de calvaire

     

    Jeune enseignante, elle était chargée d’une classe de première littéraire, dont je faisais partie, des élèves particulièrement sympathiques, absolument pas rebelles, mais qui avaient une case mathématique vide dans leur cerveau

    Je ne comprenais rien, je n’écoutais rien, j’avais définitivement divorcé avec cette matière, j’allais en cours par obligation, je passais une partie de l’heure à papoter avec mon amie Chloé

    Elle ne virait aucun élèves, elle se plaignait de son sort, disait qu’elle n’avait pas de chance, que les A c’était pire que tout, que son gamin était malade, qu’elle était fatiguée …

    Soupirs et gémissement.

    Lamentations extrêmes …

     

    Un jour, elle eut l’idée de nous emmener au cinéma

    Quelle joie de rater un cours de maths et de voir un film ! Elle avait choisit «  la cité des femmes «  de Fellini

     

    L’action de déroule dans un train, un homme incarné par Marcello Mastroani, y croise des personnages étranges

    Le train s’arrête et l’homme se retrouve dans une sorte de palais ou vivent des femmes aux grosses poitrines, provocantes,

    Le héros erre au milieu de toute cette jungle féminine, ne me demandez pas la suite, je n’ai absolument rien compris

     

    Mais qu’elle idée cette prof de maths eut elle de nous emmener voir un truc pareil ?

    elle était sûrement abonnée à Télérama

    Ais je besoin de préciser qu’elle ne nous avait pas préparés à ce film et que bien sur, nous en avons jamais reparlé

     

    Non seulement j’étais fâchée avec les maths, mais cette expérience me brouilla définitivement avec le cinéma italien

    J’en ai vu des Visconti, Pasolini, Ferreri ( la grande bouffe dont on m’avait dit tant de bien ) rien à faire, je n’aime pas ces ambiances excessives où les acteurs parlent fort ou pire  les films lents et interminables..

     

    Je n’aime pas le cinéma coréen non plus, les films français, c’est rare quand j’ai un coup de chœur, je prefere de très loin le cinéma britannique ou américain

     

     

    Fellini… il doit avoir les mêmes problèmes à régler que Lars Von Striers …

     

     

  • Retour au bercail

    riviere-150x150.jpg

    Nous avions  chargé la camionnette de tous nos cartons, meubles démontés, refermé la porte une dernière fois, rendu les clés

    Le lendemain de très bonne heure pris la route vers l’Ouest, quittant sans aucun regret ce pays qui nous avait accueillis durant trois années

     

    A midi nous  avions fait une pause déjeuner, j’avais donné la tétée à mon tout petit bébé chez des amis près d’Auxerre

    Nous avons roulé tout l’après midi, la nuit était tombée et en soirée, nous avons posé le véhicule dans l’impasse de notre nouvelle maison

     

    Une maison, au bord de l’eau, que je n’avais pas vue, trouvée par Peter et Maggie

    Nous avons sonné, et la porte s’est ouverte

    A l’intérieur, il faisait chaud, très chaud, la maison était pleine, les sœurs, les parents de Jérôme avaient pris possession des lieux, ils avaient dressé une table, et les tantes telles des fées s’étaient penchées sur le berceau offrant leurs petits cadeaux de bienvenue à Ellen

     

    Elle avait cinq semaines

     

    Le lendemain, armés de perceuses dévisseuses,  les hommes avaient remonté les meubles, les femmes posaient la vaisselle au fur et à mesure, c’était comme dans un film, ça s’agitait de partout, ça tournait dans tous les sens

    Je donnais quelques consignes, je m’occupais avant tout de mon bébé

     

    Le lundi qui suivi, Jérôme et moi savourions notre bonheur

    La voisine d’à côté vint se présenter

     

    J’ignorais à cet instant là que j’allais enfin poser mes valises et cartons, j’ignorais que cette terre deviendra la mienne, j’étais loin d’imaginer les sublimes rencontres que nous allions faire dans cette ville au bord de l’eau

     

    Cela fait tout juste seize ans que nous vivons là, le hasard, la persévérance, la patience, le choix, les choix …

     

    Je ne me suis jamais lassée de longer la rivière, par tous les temps, nous avons jamais regretté notre exil, mais bien vite compris que ce ne serai pas le berceau de nos enfants

     

    Trouver sa place, s’y sentir bien, souhaiter d’y rester, longtemps …

    Pourquoi pas d’y vieillir …

     

     

     

  • Les noces d'or

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    Début des années 80, ce jour là, toute la famille large est réunie autour de mes grands-parents paternels qui fêtent leurs cinquante ans de mariage

    Une grand table, des gens endimanchés, tout ce que je fuis à l’époque, mais impossible d’échapper à ce rituel

    Heureusement avec Louis, nous sommes installés avec la cousine Gina, une fille pleine de spontanéité, caustique, franche et moqueuse

     

    Le moment tant attendu est arrivé, le grand-père, impotent, fait une tentative vocale

    Ça fait des années qu’il chante la même chose, on ne comprend rien au texte, juste quelques mots qui s’échappent de temps à autre

    Il est essoufflé, ça démarre mal, ma grand-mère panique, ce sera dommage de finir comme ça, il tousse, elle lui tape dans le dos, rien à faire, il capitule

    Elle aime chanter ma grand-mère et elle se lance à son tour

    Elle est touchante, visiblement heureuse

    Elle commence sa chanson …

     

    Et pour nous c’est le début de l’enfer

    Sans le vouloir, sans l’avoir prédit, nous commençons à rigoler, c’est nerveux, terrible, le fou rire s’installe, pour Louis, Gina et moi

    Rien  à faire, on est écroulés, Gina attrape sa serviette de table, cache son visage écarlate dedans, les épaules de Louis sont quasi déboulonnées, je suis au bord de l’asphyxie

    Nos regards sont fuyants, on ose plus bouger, on  ne peut pas sortir de table, se serait un affront

     

    Le regard assassin de la tante Margot nous achève, on ne se contrôle plus, les larmes coulent, la chanson nous semble éternelle 

     

    Ce fou rire fut sans doute le symbole de tout ce que nous avons contenu durant des années, tous ces faux-semblants, ce culte des anciens …

     

    Ce fut ma dernière apparition publique dans une fête familiale …

     

    Un matin, mon grand-père assis dans son fauteuil ne se réveilla pas

    Belle fin..

    J’étais en voyage, je ne fus pas prévenue, à mon retour il était inhumé

     

    La fin de vie de ma grand-mère fut relativement dramatique

     

    Après la naissance, les héritages, un mariage en or, qui resta malgré tout gravé dans ma tête

     

    Mon dieu …………qu’est ce qu’on a pu rigoler..

  • Le Noël des cheminots

    Organisé par  La  Dame Des Crys  , le calendrier de l’avent virtuel nous emmène chaque jour découvrir un nouveau blog

    Aujourd’hui, c’est à mon tour de partager sur le thème de Noël

    Je vous raconte une anecdote d’enfance, telle qu’elle se passait à cette époque des seventies

     

     

    C’était un rituel incontournable, un événement annuel que nous  attendions avec impatience

    Chaque année, un samedi après midi, quelques jours avant Noël, nous montions, tous les cinq dans l’ami 8 bleue en direction de la grande ville, assister au Noël des cheminots

    Ça nous changeait des foires aux bestiaux, courses cyclistes, fêtes foraines et visites chez des gens qu’on ne connaissait pas …tristes à mourir..théatre.jpg

     

    Dans ce superbe théâtre baroque à l’Italienne de Cherbourg, un spectacle était donné pour les enfants des agents des Chemins de Fer

    Le hall d’entrée était splendide, l’escalier majestueux, des statues, des bustes attiraient mon regard apeuré, le gigantesque sapin décoré de boules et de guirlandeslustre théatre.jpg trônait devant nous

    Stressés à l’idée d’être en retard, nous prenions place sur les  vieux fauteuils de velours rouge

    Je levais les yeux en haut, regardant avec émerveillement le lustre étincellant, les balcons mystérieux, les petites niches dans lesquelles se cachait peut être le fantôme de l’opérathéatre balcon.jpg

     

    Sur la scène, j’étais en extase face aux projecteurs de couleur, au plancher de bois ciré, au grand rideau rouge

    Le spectacle commençait, des clowns, des numéros de cirque, de la magie, des danseuses, ou la projection d’un film

     

    Brusquement, avant la fin, mon père se levait de son siège, il fallait partir, ce n’était pourtant pas fini

    Avec lui nous  déscendions le grand escalier, et dans le hall nous retrouvions face à la grande table sur laquelle étaient posés de centaines de jouets

    Il fallait faire vite, en quelques minutes c’était la folie, la bousculade, les enfants se jetaient vers les  pacotilles, j’avais peur, peur de rien avoir, pas de bon de réservation, ni ticket, c’était la foire d’empoigne, les premiers servis étaient comblés, mais il n’y en avait pas pour tout le monde

    Je ne voyais rien, je détestaient ça, j’avais peur de me retrouver avec un hélicoptère en plastique kaki, un ballon de foot, des soldats..

    Nous avions des jouets bas de gamme, ils étaient si peu résistants que je n’ai aucun souvenir de les avoir conservés, j’ai juste le souvenir d’avoir reçu une boite de perle, le plastique sentait si fort que j’en avais la nausée

     

    Cette journée tant attendue était le cocktail de toutes les frustrations

    Aller voir les illuminations de la ville n’était pas négociable, on avait raté le final du spectacle, et le jouet reçu n’avait pas grand intérêt

     

    Chaque année j’attendais ce moment avec impatience, l’espoir d’un mieux.

     

    Il m’en fallu du temps, de la patience pour savoir qu’un jour, les théâtres deviendraient familiers pour moi, que je serai derrière ce gros rideau rouge, les pieds claquant  sur les parquets cirés.

     

     

     

     



  • L'héritage

    A la mort de mes grands-parents, on parla « héritage « 

    Il fallut vider la maison,  les quatre filles et l’unique garçon durent se partager le peu de bien que leurs parents avaient accumulé

    Les parts avaient été faites de leur vivant chez le notaire, en parfaite équité : le fils avait la maison  et un peu de terres, les filles se partageaient le peu de terres, non constructibles

     

    Ma mère ne se révoltait pas, elle avait été aidée par ses parents, mes parents avaient leur maison, les terres qui l’entouraient, c’était comme ça

     

    La plus jeune des filles refusa sa part d’héritage

    Impossible d’avoir sa signature pour clôturer ce partage

    Cela fit des tas d’histoires, elle se fâcha avec ma mère, définitivement, son mari à moitié mafieux  fut à deux doigts de  se prendre l’énorme main de mon père à la figure

     

    Ce fut ……………long, très long, le notaire gardait tout, au chaud, les intérêts en prime …

     

    Un jour, la cadette se résilia, elle accepta de signer

     

    Le peu d’économies avaient été dilapidées pour frais de gestion, et ma mère décida de partager le modeste somme d’héritage à ses enfants, nous trois …

     

    Je décidais alors de m’offrir un objet, en mémoire de mes grands-parents, quelques chose que ma grand-mère aurait aimé me donner

    Dans une bijouterie, mon choix se porta sur une montre, une montre fine, un bracelet léger, argenté

    Du jour où je la mis à mon poignet, il y a peuvent être déjà 15 ans de cela, elle ne me quitta que pour fuir l’eau des bains, n’étant pas étanche

     

    montre , 1.JPGAu fil des ans, le bracelet s’oxydait, je me décidais alors à le changer

    Par chance, la boutique fit venir le seul qui restait de cette marque, heureuse comme tout, je repartis avec un bracelet tout neuf

     

    Et …il y a quelques jours, le fermoir céda

     

    Malheur, impossible de le réparer, j’étais malheureuse à l’idée de ne plus porter cette montre

    J’ai réfléchi …pas longtemps

    J’ai pris ma pince, un anneau solide et j’ai fermé l’anneau, fixé la montre à mon poignet …pour toujours

     

    J’ai décidé de ne plus jamais la quitter, et par miracle elle est devenue étanche à l’eau …

     

    montre 2.JPGUne montre greffée à mon poignet jusqu’à la fin de mes jours …

     

    Quoi les spectacles ????

    Pff …….

     

  • Boites à musique et jouets à tirer

     

    Déjà les parents, grands-parents, se ruent dans les magasins pour trouver le jouet qui allumera les yeux de leurs petits

    Des jouets parfois futiles, inutiles, qui finiront dans un grenier, sans âme, sans histoires à raconter

     

     J’aime les boites à musique, mécaniques, les jouets à tirer, les jouets solides et résistants, ceux qui passent entre les mains des petits et qui gardent leur couleur

     

    Depuis plusieurs années je collectionne les jouets des années 70 de la célèbre marque américaine FP

    Les papiers sont un peu usés, ils évoqueront peuvent être des souvenirs pour vous, vous revivrez avec eux des moments de l’enfance, la votre, celle de vos enfants …

     

     

    La caisse enregistreuse

    caisse.JPG

    La ferme ferme.JPG

     

    Le tourne disque avec les disques à « manger « 

    tourne disque.JPGLe manège mécanique avec ces mêmes disques,

    manège 1.JPGmanège 2.JPGLe téléphone à roulettes  ettéléphone.JPG

    Le petit train, qui n’est pas sans rappeler celui d’Interlude

    loco.JPG

     

     

    Je vous offre un petit voyage dans le temps ….

    train.JPG

     

  • Il venait d'avoir dix huit ans

    bougies3.jpg

    Pour la première fois cette année là, nous ne pouvions fêter notre anniversaire ensemble

    Louis était au séminaire, je redoublais ma terminale, j’étais encore à Cherbourg

    Pour lui faire une surprise, les amis de Louis n’avaient en secret invité pour la soirée, ainsi que notre tante Suzy née le même jour elle aussi, résidant dans la même ville

    J’avais pris le train jusqu’à Caen, Christophe et Laurent m’attendaient à la gare

    Ils étaient énervés comme des gamins, ils me faisaient entrer par des couloirs, je m’étais planquée dans la chambre de l’un d’eux

    J’avais rasé les murs, pour ne pas le croiser, et au moment des vêpres, j’étais apparue dans la chapelle, en même temps que Suzy

    Tout le monde contenait ses rires, Louis était sous le choc

    « ah c’est malin ! »

    Toute la journée ils lui avaient répété « t’aurais pu inviter ta sœur, et ta tante « 

    Le soir, nous avions dîné, puis l’un d’eux avait sorti sa guitare, nous avions chanté, c’était joyeux, très joyeux au milieu de tous cette gente masculine

    J’avais passé la nuit dans une petite chambre et au petit matin, j’étais retournée au lycée

    Susy était ravie de cette belle surprise, je crois que nous avions réchauffé le cœur de Louis aussi

    Nous devions nous habituer à ne plus souffler nos bougies ensemble, l’enfance, l’adolescence était volatilisée

     

    Il y a longtemps, longtemps, longtemps …

    Nous n’avons plus jamais eu l’occasion de fêter notre anniversaire ensemble

  • Ne jamais dire jamais

    Crèche.jpg

    Après avoir profité de mon premier bébé durant une année, je me décidais à reprendre le travail

    Ayant quitté la Franche Comté, et nouvellement installée en Mayenne, je partais en quête d’un poste à temps partiel

    Il me fallait trouver un mode de garde pour Ellen, alors je faisais d’une pierre deux coup, en visitant les crèches de ma ville

     

    Je poussais la porte de celle du bord de l’eau

    Un long couloir, des lits à barreaux dans des dortoirs serrés les uns aux autres, du personnel en blouse, une ambiance qui ne m’attirait pas plus que ça

    Une jeune femme plutôt jolie me reçu, elle était directrice, très distante du personnel, très professionnelle, un peu trop à mon goût

     

    En sortant, je me jurais de ne plus y remettre les pieds, c’était tout ce que je n’aimais pas de ce métier, je ne l’y sentais pas bien

     

    Quelques semaines plus tard, je fus convoquée à un entretien d’embauche dans cette même crèche

    La jeune femme m’impressionnait, mais malgré ça, je réussis à me mettre vite à l’aise, prenant de la distance face à la situation

    Je voulais retravailler, mais je laissais les choses opérer, je n’étais pas sure du tout de vouloir tenter une expérience dans ces murs là

     

    Et bien sur, parmi toutes les candidates, je fus retenue

     

    Un léger pincement au cœur le premier jour, mais j’avais vécu tellement d’adaptations auparavant, que je prenais cette nouvelle expérience comme une étape

    Je découvrais les murs colorés de la section dans laquelle je fus affectée, les bébés dans les transats, les marcheurs butinant de gauche à droite et mes nouvelles collègues

     

    Une femme frêle, à la voix douce et au sourire franc m’accueillait

     

    Elle s’appelait Marie Camille ….

  • Et si c'était lui ?

    A chaque fois que nous allions pour les petites vacances, ma grand-mère sortait son électrophone

    Il était moderne, fixé sur un meuble sous lequel les 33 tours et 45 tours étaient bine alignées entre des barres métalliques dorées

    Le couvercle servait de haut-parleur, les petits vinyles étaient superposés, ils tombaient  sur la galette en caoutchouc au fur et à mesure du passage

    Ma grand-mère rapportait des disques de ses pèlerinages, nous connaissions par cœur la vie des Saints, de Bernadette Soubirous, avec le curé qui prenait une grosse voix inquisitrice

    « Dis-moi Bernadette, tu es sûre que tu ne racontes pas de sottises « 

     

    Elle avait aussi un 33 Tours de Fernandel, « Ignace «  et »Barnabé « 

    On écoutait, pas parce qu’on aimait, mais pour le simple plaisir de voir déployée l’artillerie

    Elle avait aussi des disques de Marie Claire Pichaud ( je suis subjuguée moi-même d’avoir conservé des détails aussi précis ) une chanteuse chrétienne qui d’une voix langoureuse nous plonger dans les profondeurs divines marie claire pichaud.jpg

    ..

    Et pour redonner un peu de tonus à ces après midi musical, nous écoutions le « P’tit Capet «  de Brix, groupe folklorique local que peut être Mlaféeclochette à vu un jour à la Foire de Lessay ou à la St Jouvin  !p'tit capé de brix.jpg

     

    Et pour finir, il y a avait le 45 Tours de la petite marchande d’allumettes

    Je l’ai écouté des centaines de fois, le crépitement du disque, des allumettes, étrange alchimie du conte le plus tragique de mon enfance

    Lorsque au petit matin, la pauvre fillette, transie, morte de froid, appelait dans un dernier

    « oh …grand-mère … »

    L’angoisse ultime de la mort, de la solitude, de l’errance

    Parce que ma grand-mère , je la croyais immortelle, qui pouvait présager qu’elle partirai si vite, trop vite …

     

    A la mort de mes grands-parents, la maison fut vidée, je ne sais pas qui a hérité des disques, de l’électrophone

    Qui a conservé ce vinyle de  la petite marchande d’allumettes ?

     

    En recherchant une illustration, j’ai retrouvé sur un site de ventes aux enchères sur le net, le même, ce disque du conte d’Andersen

    Sa provenance était de Basse Normandie

    Et si c’était lui ?disque petite marchande d'alummettes.jpg

  • Le moribond

    tête nuages.jpg

    Ce professeur de français de quatrième marqua sans le savoir un tournant dans mon » vécu culturel « 

    Il était passionné, par les auteurs, les poètes, il aimait les mots, la littérature

    Il n’arrivait pas forcement à nous faire aimer les auteurs, Boris Vian, Prévert.. mais il leur portait une telle considération, qu’il était impossible de rester indifférent

    Il était un peu dandy, quelque peu maniéré, il lui arrivait de se mettre en colère, pour peu, d’avoir des réactions un peu brutes, pour moi qui maniais les mots comme on manie un torchon

    En fin d’année, il apportait sa guitare et il chantait Brel, Brassens..

    Ceux là, je ne les avais jamais entendus, presque jamais vus

    Les mélodies restèrent dans ma tête, pour longtemps

     

    Des années plus tard, je me formais à la littérature jeunesse, j’adorais découvrir les nouveaux auteurs, et qu’elle fut ma surprise de voir que ce professeur publiait à son tour des ouvrages pour enfants

    Je racontais ses livres à Ellen, avec une certaine complicité, fierté

    (C’était mon prof ! )

    Je me décidais alors à lui écrire, lui racontant mon parcours, le remerciant, lui disant qu’il avait semé des graines, que je les récoltais à présent, avec ma famille, dans mes loisirs, dans mon métier

    Il m’envoya une lettre manuscrite, me disant combien il était touché d’avoir eu un tel témoignage de la part d’une ancienne élève

    Aux enfants il dédicaça une carte

    « la tête dans les nuages « 

     

    On se souvient bien de ceux qui nous ont blessés, humiliés parfois, on cultive des rancunes, des aigreurs

    Mais remercier, dire, avec des mots simples, combien ils ont compté pour nous, est une démarche positive dont on aura bien tord de ne pas faire profiter

    Ais je semé à mon tour ses petites graines là, je le crois, sous diverses formes, à des enfants, des adolescents, des parents..

     

    Semons, récoltons sans limites !