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  • Le secrétaire

    Dans la petite chambre de l’étage, il y avait peu de meubles

     

    Un lit pont avec deux petites tables de nuit à tiroir, et un secrétaire

    Je devais partager ce secrétaire avec ma sœur Flo, comme le lit double

    Evidemment cela posait des problèmes cohabitation, ce n’était pas la belle entente, j’avais toujours envie de lire, d’écrire

    Je cachais mes carnets où je pouvais, je changeais toutes les semaines de planque, je ne supportais pas l’idée d’être lue, ça virait à l’obsession parfois

    Je n’avais aucune intimité, jamais, je planquais tout, mes lettres, mes secrets

     

    Le secrétaire avait été acheté un jour, c’était semble t’il le meuble idéal pour travailler..

    Mon père n’a pas de savoir-faire pour monter les meubles en kit

    Il faut que ça aille vite, il n’avait pas pris le temps d’équilibrer les portes, les serrures n’ont jamais fermé, les clés en tombaient dix fois par jour, la porte du bureau ne se refermait pas à fond, idem pour les tiroirs

    Dans cette maison de bric et de broc, ce meuble avait trouvé sa place, il était parfaitement inapte à sa fonction de base, m’accompagner pour faire les devoirs

     

    Nous devions nous suffire d’une partie chacune pour y ranger nos cours, les classeurs et livres explosaient de partout, c’était quasi impossible à ranger, manque de place

    Il fallait refermer la porte bureau tous les soirs, autant dire que c’était inutile de s’y installer pour si peu de temps

    Dans cette chambre bien humide, il y avait un petit convecteur électrique pour deux pièces, ça chauffait un peu, et dès qu’il était éteint, la pièce était refroidie

    Le secrétaire n’était pas équipé de lampe ou d’éclairage, assise, je tournais le dos à la lumière, mon ombre venait gentiment obscurcir mes cahiers, je fatiguais au bout de trois minutes

    A ce triste tableau je dois rajouter, que la chaise était trop basse et que le bruit infernal de ce meuble pas vraiment consolidé me donnait vite l’envie de retourner au rez de chaussée

     

    Il y a avait trois tiroirs pour ranger nos vêtements, Flo en avait pris deux, dans  le troisième, j’entassais comme je pouvais le peu de vêtements immondes que je portais à cette époque

    Dans la penderie, on entreposait des pantalons, robes de chambre en synthétique, et autres manteaux pleins de mites

     

    Ce secrétaire est toujours là

    Flo a épousé Gabriel en 1984 et je suis partie au Havre la même année

     

    Au-dessus j’ai laissé la photo de classe du lycée, seul bon souvenir de cette époque

    J’aurais tant aimé, un vrai bureau …

    Et mon père voulait que je soies….

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    Photo : Louis le Bipolaire

  • La chambre froide

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    Lorsque je vivais dans ce petit appartement de rez de chaussée le moment   que je redoutais le plus était de me glisser dans mon lit

    Ma chambre était froide, mal exposée, mon lit était très dur, vieille literie toute défoncée

    C’était un endroit austère, j’avais eu la mauvaise idée d’y mettre une tapisserie bleue, je repoussais l’instant, le plus tard possible

    Je sortais souvent, très  souvent, un soir sur deux au moins, je recevais du monde aussi, tous les dimanche soir

     

    Allongée  dans mon clic clac je regardais la télévision, une toute petite télé, un écran minuscule, souvent je l’endormais, je regardais les talk show, les émissions du soir avec Dechavanne ou  Mireille Dumas, les débats à moitié racoleurs des années 80, prémices de la télé réalité

     

    Je passais des heures au téléphone, j’adorais ça, je papotais sans fin, je ne gênais personne, personne ne m’interrompait, je pouvais me languir à ma guise, rien à justifier, peu à penser..

     

     

    De temps en temps, vers 22h30, mon téléphone bleu sonnait

    Je connaissais à l’avance celui qui appelait, avant même de décrocher

    Il terminait sa garde, il était surveillant d’un internat, il rentrait chez lui, plongé dans ses pensées, sa Jeanne..

    Nous avions peu de chose à nous dire, nous restions longtemps dans ce dialogue silencieux, cette sensualité vocale..

    Je l’appelais rarement, j’avais trop peur de devoir entendre une sonnerie sans réponse

    Il faisait le premier pas, toujours, il était dingue de ma voix, de mes mots.

     c’était un rendez-vous heureux, secret, amoureux, radieux

    Je n’arrivais pas à raccrocher, lui non plus, nous étions reliés, accrochés par ce fil, esseulés,

     je me résignais pourtant au bout de quelques temps à rejoindre cette chambre froide, mon lit était un congélateur, mon corps tout recroquevillé, tremblant,

     mon cœur brûlant

     

     

  • Le grand bazar

    Au hasard d’une légère promenade cathodique, je m’arrête sur un film, pas très récent, je vous l’accorde, images un peu décolorées, acteurs plutôt ringards : »Le grand bazar «  de Claude Zidi, avec les Charlots

     

    Je ne peux pas vous raconter l’histoire, il s’agit de quatre garçons, ouvriers en chaîne qui sont licenciés et font des petits boulots

    On est loin du cinéma d’auteurs dénonçant les problèmes d’identité des jeunes de banlieue, ce film est un gag à lui tout seul

    Ça n’arrête pas, des farces, des gaffes, des gags lourdingues, grotesques, improbables, c’est entre le dessin animé, la BD et la comédie

    Et à cela s’ajoute les  clichés de la secrétaire en jupe courte et bottes seventies à qui ont met la main aux fesses, les policiers en uniformes et képi, la lutte des classes, le patron qui picole …

    Avec en prime  des seconds rôles inconnus à l’époque : Coluche, Dominique Lavanant …

     

    C’est politiquement incorrect, les Charlots  passent leur temps au troquet à s’enfiler des pastis ( Michel Galabru est le patron du bar )

     

    C’était les années Giscard, l’époque des DS,  404 et des Renault 16, le contraste d’un gouvernement et d’une politique austère et rigide et l’insouciance des seventies

    Et voilà qu’en quelques minutes je me replonge dans des souvenirs d’enfance, nos vacances en banlieue , les HLM flambants neuf, les vide ordure, le chauffage au sol qui donnait des chevilles d’éléphant à ma mère, les grandes surfaces, Monoprix, les tourniquets et les toboggans déjà rouillés sur les parkings …

    J’aime ce voyage, les années 70, la révolution de la ménagère, les shows télévisés à paillettes

    Je ne suis pas nostalgique, je ne voudrais surtout pas revenir en arrière, mais je garde de cette époque  mon côté futile, léger, burlesque, populaire et joyeux

     

    On osait des comédies décalées, on osait un cinéma franchouillard, pas toujours finaud, mais on osait …

     

    Je me demande si on ose encore aujourd’hui ?

     

     

  • La névrose du livre

    Les premiers souvenirs de livres remontent à la classe préparatoire, les albums du Père castor, Poule Rousse et Perletteperlette.jpg

     

    J’ai appris à lire en un mois, c’était un jeu, une évidence, aucune difficultés, une envie

    Mes parents n’avaient aucun livre, pas un roman, pas une encyclopédie, juste un vieux Larousse noir et blanc, Télé poche et le catalogue de la Redoute

    Nous avions quelques albums, Alice au pays  des merveilles, Robin des bois …et à chaque sortie en train, j’avais le droit de choisir un livre de la Bibliothèque Rose

    J’aimais bien Fantômette et le Clan des sept petitou.jpg

    Je rêvais de remplir la vitrine de notre secrétaire tout branlant,  il attend encore.

    A l’école je lisais dès que je pouvais, tout, j’adorais ça, je me souviens du voyage de la famille Fenouillard

    Une petite bibliothèque fut installée à côté de la Mairie

    Il n’y avait rien de captivant, quelques BD et des livres poussiéreux

    Je ne réclamais pas de livres, je ne réclamais rien, jamais, comme ça je n’étais pas déçue de ne pas recevoir

     

    La bibliothèque du collège était toute petite

    Pour y rentrer, nous faisions la queue, les élèves se bousculaient, il y avait plein de tables au milieu, et on n’avait pas de place, 15 grand maximum pour un collège de ZUP, on se collait à terre, avec l’éternel refrain de la pionne « vous allez vous taire ! « 

    La bibliothèque était fermée le midi, nous passions notre temps après la cantine réfugiés dans les toilettes des filles, le préau était assailli par les joueurs de foot, il pleuvait six mois dans l’année

     

    Je n’avais rien à lire, personne pour me conseiller, à chaque exposé c’était un cauchemar, nous n’avions aucune source d’infos, rien..

    Je puisais une fontaine aride, le peu de culture virait au cauchemar

    Petit à petit je ne portais plus d’intérêt aux apprentissages, je me réfugiais dans les mots croisés

    Au lycée, j’ai capitulé

    Je ferai un bac littéraire et je serai inculte

    J’ai réussi

    Je ne lisais aucun livre, même pas ceux que les profs nous imposaient

    Je  mettais  rarement les pieds au CCI (aujourd'hui j’y aurais retrouvé Véronique )

    J’écrivais des tonnes de lettres, j’en recevais beaucoup, c’était mon grand plaisir

    Mes heures creuses, je les passais au foyer et au troquet

    C’était ma revanche, mes compagnons étaient Maxime et Renaud, princes rebelles de la chanson, mes héros..

     

    J’ai fait de brillantes études, j’étais surestimée, adulée dans  mes stages par les professionnels, mes formateurs.

    Je n’avais jamais connu ça, jamais, je recevais des compliments, des éloges

    Tout ça pour ça, que j’étais fière d’avoir tenu bon..

    Mais je ne savais plus lire, j’étais incapable de me concentrer, de retenir mes lectures, je survolais, je planais sur les œuvres.

     

    Je me suis lancée dans toute autre chose, la création, le bricolage, puis la musique baroque

    J’ai durant deux années écoutées des œuvres complètes, des opéras, arias, Messes, Passions …

    Je découvrais quelque chose qui me faisait vibrer, je m’y plongeais sans retenue, Vivaldi, Purcell, Haendel et Bach devinrent mes nouveaux compagnons

    C’est vers le dessin et l’art que j’ai orienté ma passion, à trente ans

    J’ai acheté des livres d’art,  découvert les courants, les cubistes, l’art moderne

    Je ne fais jamais les choses à moitié

    Et j’ai dessiné, fait des tableaux, de beaux tableaux

    Et brutalement j’ai eu envie de lire, des romans

    Alors je devais payer, cher, acheter, que ça me coûte

    J’ai acheté les livres que je voulais lire et je me suis remise à lire, tout heureuse de me retrouver dans cet univers, de nouveau libre, passionnée

     

    Et je suis revenue à la création, les bijoux, par petit peu, puis par engouement

     

    J’ai laissé les livres, et j’ai recommencé à écrire

     

    J’ai longtemps culpabilisé, de m’être tant éloignée de la lecture, on ne m’a pas aidée

    Maintenant c’est bel et bien fini, j’ai trouvé d’autres cordes, je ne sais pas si baignée dans une famille cultivée j’aurais  fait le même chemin, on ne refait pas l’histoire

    J’ai transmis le goût de lire à mes filles, elles lisent beaucoup, tout le temps …

    Elles aiment  ça..

     

    Le jour où  j’ai visité le CDI du collège d’Ellen et de Mark, j’ai senti mes larmes monter.

     

  • Le nid (1)

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    La plus ancienne des photos de mon passé  est pleine de douceur

    On y voit mon père, avec dans chaque bras deux nouveau-nés, il les présente, les regarde, nos vêtements blancs tranchent avec l’obscurité de la pièce 

    Une autre photo de ma mère à l’extérieur, elle est souriante, joyeuse, elle  porte ses deux bébés de sept mois, endimanchés, avec force et tendresse

     

    Je suis entrée à l’école à l’âge de 6 ans, pas d’école maternelle, juste une année de classe enfantine

    L’univers scolaire n’était pas terrifiant, même si la maîtresse était très distante, je ne souffrais pas de la séparation, Louis était avec moi, j’étais avec lui

    Nous sommes restés cinq années avec notre mère, nous ne sortions presque jamais, quand il pénétrait  dans des maisons mal rangées, Louis se mettait à hurler comme un fou, ma mère était obligée de sortir

     

    La maison était toute petite, nous vivions en toute promiscuité, les odeurs étaient rassurantes, je n’ai jamais été confiée à une nourrice, j’ai dormi à l’extérieur vers l’age de 9 ans, chez mes grands-parents essentiellement

    Tous les soirs ma mère venait nous embrasser au moment du coucher, elle faisait une prière de temps en temps, elle soulevait le lourd matelas et remettait le drap et la couverture dessous

    Elle était tendre, d’une disponibilité incroyable, ma hantise était de la voir disparaître, de devoir aller habiter ailleurs, chez une tante, un pur cauchemar

    Le soir, nous regardions la télé, mon père était assis dans le canapé en sky, il étalait ses grands bras, nous étions tous les trois autour de lui, nous avions chacun notre place, nous étions ensemble

    Il n’y avait presque pas de chauffage à l’étage, il ne nous venait pas à l’idée de nous isoler, nous restions serrés les uns contre les autres

    J’adorais cette ambiance, je m’y sentais bien, tellement bien

     

    L’humidité des murs était estompée par cette chaleur familiale, nous vivions comme dans un nid

  • Les voisines

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    Lorsque nous marchions avec ma mère sur la petite route qui menait à l’école ou à l’église, elle s’arrêtait souvent pour parler avec des voisines

    Il y avait Mado, devenue veuve très jeune, et Louisette, qui passait de temps en temps, des dames âgées, pas toujours aimables, Titine, la dame de la Poste …

    Elles parlaient de choses et d’autres, à cette époque tout le monde se connaissait dans le village, jusqu’au jour où les premiers lotissements furent construits

    Mes parents appelaient ça des » maisons neuves », des nouveaux arrivaient, étaient parfois regardés avec méfiance, certains sympathisaient très vite , trop vite , prenaient la place , le pouvoir ..

    Malgré cela c’était la vie paroissiale qui était au cœur de tout, puis ce fut l’amicale des parents d’élèves

    Ma mère n’avait pas d’amie, de confidente, elle était entourée de ces personnes là, les relations étaient correctes mais au fond très peu chaleureuses

    Je n’ai jamais vu quelqu’un venir lui offrir des fleurs, ou un petit cadeau

     

    Après l’invasion des pavillons, mes parents ont toujours continuer à faire connaissance avec leurs voisins

    Avec eux, ils sont en bons termes, toujours prêts à rendre, service, très accueillants, souriants, respectueux de leur intimité

     

    Je me suis rendu compte que je n’avais dans ma vie, jamais investi de relation avec mes voisins

    En appartement HLM, je ne connaissais personne, puis avec Jérôme, les relations avec le voisinage furent désastreuses

     

    Quand nous sommes arrivés dans notre petite ville, les voisins savaient déjà qui nous étions, le bouche à oreille n’avait pas mis trois jours a fonctionner

    Dans notre maison, les murs séparent l’immeuble d’à côté

    Les seules fois où j’y suis allée, c’est pour des histoires de chats

     

    J’ai beaucoup d’amies, des vraies, des bonnes copines, elles passent, s’arrêtent, prennent un café, je peux compter sur elles, elles savent que je suis là aussi

    C’est bien d’avoir ces relais là, ces échanges simples, ces liens du quotidien, j’aime bien choisir, être libre

    Je crois que je n’aimerais pas vivre en lotissement, sous le regard de mes voisins en train de prendre l’apéro dehors

    Je sais que parfois les relations de voisinages sont sources de procédures, de violence verbale, de harcèlement, je ne pourrais pas supporter de vivre ça , mais il existe aussi des vrais lien d’amitié , forts et solides

     

    Je pense que  mère avait appris à se méfier des voisines, elle était dépendante de cette vie là, je crois qu’en ville, elle en aurait souffert encore plus.

  • L'épicier

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    L’épicier venait en camionnette tous les jeudi .

    Il se garait dans la cour, prenait son déjeuner tout seul dans la cuisine , au bout de la table

    Il travaillait chez mon oncle commerçant .

    Quand il avait bu son café, il remontait dans son camion et livrait les commissions  .

    Ma mère ne faisait pas de liste

    Elle achetait en premier du sucre, du café, de la farine, de l’huile

    Puis il pesait quelques fruits qu’il déposait dans un sac en kraft, il roulait les coins pour le refermer

    Les bananes dépassaient souvent du sac

    Puis ma mère prenait du Benco, quelques yaourts et desserts, des fruits au sirop, du thon, des sardines, du pâté, quelques conserves, du chocolat

     

    Elle n’achetait pas de lait car nous avions des vaches, ni œufs, on avait des poules, ni crème, on allait la chercher chez Louisette , la voisine d’en bas au vernis à ongle craquelé .

     

    Elle n’achetait aucun légumes, tout venait du jardin, le soir nous mangions de la soupe .

    La viande, le porc, le mouton, le lapin et le poulet venait de notre production

     

    Quand le petit comptoir en bois était recouvert, elle finissait par le superflu, pour nous elle achetait des barres chocolatées .

    Louis prenait un Bounty, Flo des Treets et moi un Raider ;

    Nous avions droit aussi à un paquet de chemin gum en tablettes à la chlorophylle

     

    Pour se désaltérer l’été, elle achetait du Citror, c’était un sirop acide au goût de médicament, c’était pas bon, on avait jamais de limonade ni de vrai jus de fruits

     

    Puis on déchargeait les commissions, on les rangeait et la camionnette de l’épicier repartait finir sa tournée

     

    Quand je vois la taille de denrées dans mon caddie, je me dis que les temps on bien changé, il y avait moins de besoins alimentaires,

     

    Mes parents cultivaient et mangeaient bio, on avait toujours de délicieuses viandes au goût parfumé accompagné de légumes

     

    Mes enfants se régalent toujours autant chez mes parents, quand ils nous accueillent, ils remplissent leur caddie au supermarché

     

    A la place du Citror, ils ont du  jus d’orange .

     

  • Séparations et retrouvailles

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    C'est ce qu'il y a de plus supportable dans les séparations, c’est l'espoir des retrouvailles

     

    Cette citation est de Jeanne, écrite il y a quelques jours dans le feuilleton de l’été par Antiblues

     

    Cet été 1986, j’avais vécu un mois imprévisible, une rencontre insolite, mêlée de complicité , avec encore en tête les « Démons de minuit «  qui tournaient en boucle et en « rouge et noir «  de Jeanne Mas, une grande évasion, une énorme parenthèse

    Je travaillais en août, dans une autre colo dans le Calvados

    J’étais impatiente de retourner avec Pierre Yves, que je connaissais bien, et surtout mon ami Léo

     

    Pourtant les premiers jours étaient moroses, je n’arrivais pas me remettre dans le bain, le ciel était gris, très gris, les enfants incroyablement violents, totalement irrespectueux du cadre

     

    Je vivais sans l’énergie qui m’animait d’habitude, j’avais envie de partir quelques jours ne camping avec Léo, c’était difficilement négociable

    J’avais le cœur lourd, je n’expliquais pas ma mélancolie.

     

    J’avais quitté Arnold et il me manquait, sans que je j’ose me l’avouer

    Il m’avait fait la promesse de me prendre comme adjointe l’été suivant, je me méfie des promesses …

     

    Je n’expliquais pas toujours pas ce qui me liait à lui, il me semblait tellement au-dessus, un trop bel homme, trop, bien trop bien  pour le pauvre Jeanne

     

    Un après midi, pendant le goûter, Pierre Yves braille dans le réfectoire

    « Jeaaaaaaaaaaane ! , téléphone, c’est Arnold, je viens de causer avec lui « 

     

    j’étais pétrifiée, je n’osais pas saisir l’appareil, je m’attendais à des reproches, une faute, laquelle, mon cœur s’emballait

     

    Je perdais confiance en moi, moi la Jeanne plutôt grande gueule, je redevais la Jeanne de mon enfance, soumise et vulnérable face à l’autorité

     

    Je balbutiais

     

    Arnold me demandait si j’allais bien, je lui dis que pas trop, c’était dur

    Il me confia que sa colo était d’un ennui mortel, parce que je n’étais plus là, parce qu’il aurait donné n’importe quoi pour que je soies à ses côtés

     

    Je sentais mon cœur battre, je ne savais pas quoi lui dire …j’étais comme …

     

    Il me demandait d’aller le rejoindre dès que j’aurais fini, auprès de Bréhal, une visite, pas plus

     

    C’est ce que je fis dès que je fus libérée , je me souviens d’avoir garé ma voiture dans le sable …en fin d’après midi .

     

     

     

  • Le dirigeable

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    Dans le fond du jardin, j’ai entendu un bruit sourd, léger

    J’ai levé la tête au ciel, et j’ai apperçu un dirigeable

    Un ballon, comme disait ma mère

    J’ai eu peur, très peur, j’étais terrifiée, pourquoi avoir peur d’un dirigeable

    Ce n’est pas dangereux

    Je crois que j’avais l’impression qu’il allait tomber, tout près de moi, s’enflammer

     

    Je n’ai dit à personne que j’avais eu aussi peur

    J’ai osé le regarder s’éloigner dans les arbres, j’ai attendu la fin du sifflement

     

    Les enfants ont des peurs inexpliquées, peur de ce qu’ils ne connaissent pas, peur de ce qui paraît impalpable

    Ils ont peur des clowns, des citrouilles, des momies, des masques …

     

    Pendant longtemps j’ai eu peur des ballons

    Je ne sais pas s’il faut forcer les enfants à vaincre leurs peurs

    Il faut juste les rassurer, leur dire qu’ils ont le droit d’avoir peur, les protéger des dangers

    J’avais honte d’avoir peur, c’est ça le pire, c’est ça qui multiplie la peur

     

    Nous ne voyons plus de dirigeables, je crois que j’ai cru ce jour là, un court instant, être entrée dans un roman de Jules Verne , j’avais 7 ans , à peine plus

  • Le pompon

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    Ma grand-mère couturière nous avait initiés à l’art du pompon

    Pour fabriquer un pompon, il fallait confectionner deux  anneaux en carton, puis recouvrir les bords de cet anneau de laine, en passant par le trou de l’intérieur

    Je choisissais des couleurs dans des pelotes de laine entamées, à l’époque il y avait des laines chinées, je trouvais ça joli

    Quand l’anneau était recouvert, il fallait couper entre les deux bouts de carton et retenir de l’autre main, la laine

    C’était périlleux, nous avions des ciseaux qui coupaient mal, puis, l’opération terminée, je passais un fil de laine entre les deux anneaux, et je serrais très fort en nouant

     

    Puis arrivait le moment le plus jubilatoire, ôter les anneaux de carton, les séparer et apparaissait comme par magie, des laines serrées les unes contre les autres, formant une boule : le pompon

     

    Les plus paresseux étaient déçus car s’il n’y avait pas assez de laine, le pompon était chétif, il n’avait aucune allure

    Il fallait trouver de la laine qui se tenait bien, aussi .

    Une fois retirée de sa carapace, je tapais le pompon retenu par la ficelle pour qu’il savoure ses premières heures de vie

    Puis, avec un ciseau, j’égalisais telle une coiffeuse les dernières laines rebelles, pour donner à mon pompon la touche finale .

     

    Il fallait être sacrément agile pour faire des tous petits pompons, serrer les fils de laine dans un minuscule anneau de carton

    J’adorais faire ça, j’y passais des heures, faire des pompons

     

    (Si vous voulez plus de précisions allez faire un tour par-là, c’est très bien expliqué )

     

    Louis aimait aussi faire des boudins avec le tricotin

    C’était un cylindre muni à l’extrémité de quatres clous

    Il fallait passait de la laine autour, la relever au-dessus  des clous et par miracle, il sortait au bout de quelques heures, une sorte de boudin en laine bariolée

     

    Toutes ces créations très kitsch étaient absolument inutiles, ça ne servait à rien du tout

    C’était tout simplement une technique, un savoir-faire, futile, non rentable mais dans la mesure où nous utilisions des restes de laine, nous n’avions aucune restriction

     

    Cela occupait nos journées, entre deux parties de Mille Bornes et de Monopoly

     

    Et si vos enfants, neveux, cousins  s’ennuient et disent « chépasquoifaire «  et bien, une seule  réponse

    Fais des pompons !

  • La course cycliste

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    Parfois le dimanche mon père décidait d’aller voir les courses cyclistes

    Il aimait bien regarder les vélos passer, sans se préoccuper de savoir si nous étions intéressés

    Ma mère suivait aussi

    Nous nous arrêtions sur le bord de la route, un petit groupe de coureurs passaient, j’aimais juste la mélodie de roues, je trouvais ça doux, léger

     

    Nous rencontrions des gens que je ne connaissais pas, on était obligés de dire bonjour, c’était d’un ennui mortel

    Il y avait aussi les fêtes, la St Clair au Pieux, la fête de Rauville, avec les majorettes, la fanfare, et la course cycliste

    Je ressentais comme un malaise, je voulais fuir ces rassemblements populaires où il ne se passait rien, attendre, regarder

    Il n’y avait aucune action, j’étais totalement dépendante, je n’aimais pas les odeurs de Barbapapa, de frites et de saucisses grillées , mes parents nous en offraient jamais , au mieux une glace mais je n’aimais pas la gaufrette du cône , je me forçais à finir , hors de question de gaspiller

     

     

    Plus tard, je me jurais de ne plus jamais retourner voir de course cycliste

     

    Sauf ce jour de juillet 1998

    Notre ville avait été choisie Ville étape pour le tour de France et l’arrivée se passait, derrière le mur de notre maison

    Dès le matin, les voitures et camions de police avaient bloqué la rue

    « c’est pas bon pour commerce «  me dit la boulangère

     

    Pour l’évènement, mon père, bien sur avait fait le déplacement, avec ma mère et mes trois neveux

    Et puis Eugénie et son ami, fou de vélo, les filles

    Peter avait des places dans la tribune d’honneur et bien sur Maggie était de la fête

     

    Toute la journée, tout les mordus de vélos avaient oeuvré pour charrier du sable, transporter les dalles, parce que nous avions profité de l’occasion pour faire notre terrasse

     

    C’était joyeux, une vraie fête

    A l’arrivée, il y a avait un monde fou, juste là, à 200 mètres de notre maison, sur le boulevard

    Tous se relayaient pour être aux meilleures places, certains grimpaient sur le mur , mon père était heureux comme tout , le Tour de France , il était au premières loges , et moi je jubilais de pouvoir en quelque sorte lui offrir ce cadeau .

     

    Vers 20h30, la moitié de la terrasse était faite, et nous finissions comme dans Astérix par un superbe banquet

     

    Le lendemain j’ai emmené mes neveux au départ place de l'Hôtel de Ville

     

    Et c’est ainsi que je fus réconciliée avec la course cycliste

     

    Enfin à peine ..

     

    Le Tour de France est  diffusé sur France 2 et voilà que disparaissant de la grille du programme les redif de la saison 11 d’Urgences

    Grrrrrrrrrrrrrrrrrr ! maudits vélos !

  • Le marchand de télé

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    A cette époque, les grandes surfaces n’existaient qu’en région parisienne, ou dans les grandes villes

    Mes parents faisaient une partie de leurs achats alimentaires chez mon oncle épicier, et le reste, exceptionnellement dans les petites boutiques de Bricquebec

     

    Une fois dans l’année, nous allions acheter un disque vinyle

    C’était une vraie expédition, bien sur, on avait des envies, mais il fallait mettre tout le monde d’accord, un seul disque pour la famille

    Flo aimait Cloclo , Sheila , et les Rubetts , Louis , il aimait bien Rika Zarai , et moi , en secret , sans jamais avoir oser l’avouer , j’aimais Michel Fugain, mais j’avais l’impression d’être fautive , d’aimer ce chanteur aux vêtements colorés et à la barbe ( quand je vois ce qui m’attendait par la suite  , heureusement que j’aimais .. )

     

    Dans la boutique de télés, il y avait peu de place

    L’homme réparait les téléviseurs, il avait un surnom, et la femme, nonchalante et assez gracieuse  nous accueillait

    Mon père la tutoyait, c’était une amie d’enfance

    Nous regardions le tout petit rayon de disques .

    Nous avions le choix, entre une vingtaine de 45 tours et une trentaine de 33 tours

    Bien sur, il fallait vite mettre nos envies de côté, rien ne nous convenait, mais mes parents étaient incapables de ressortir du magasin sans achat ( ils sont encore comme ça d’ailleurs )

    Un jour, nous avons acheté un 33 Tours, compil, les hits !

    La pochette était racoleuse, une jolie fille  avec un chapeau, et des titres, plus ou moins connus

    En écoutant ce disque, on s’est vite rendu compte que les versions chantées n’étaient pas celles des interprètes originaux, un vrai bide

    Cela faisait partie des nombreuses frustrations de cette époque

    Tout était à moitié .

     

    Un jour, une copine de troisième me prêta une pile de 33 tours de ses parents, parmi eux, il y a avait un disque de Maxime Leforestier, un autre de Tri Yann, et…. l’album rouge des Beatles

     

    Ce fut pour moi une véritable révolution, en 1979, ma révolution

    J’ai appris par cœur toutes les chansons, je m’en souviens encore

     

     

    Je crois que la boutique du marchand de télé existe encore .

     

     

  • Le radio cassette

     De ces fameuses épreuves, je n’ai presque aucun souvenirs, un autocollant avec mon nom dans le coin d’une table, des feuilles à déchiffrer, des feuilles blanches, un stylo, une angoisse, la peur de ne pas l’avoir

    Les matières générales m’ennuyaient, toutes, rien ne m’intéressait, je n’apprenais pas

    Mon rêve c’était de devenir éducatrice de Jeunes enfants

    J’avais eu le concours, il me fallait ce fameux bac

    Je l’ai eu, à 18 ans

    Pour me récompenser ma mère m’avait offert un radio cassette

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    C’était énorme pour moi, enfin j’allais pouvoir écouter à ma guise ma musique

    Je l’emmenais dans ma chambre de Cité U au havre

    J’écoutais des cassettes , Castelhémis (comment vous ne connaissez pas ?

    )du folk , Caradec , des compil des années 80 , Cindy Lauper

    , Madonna , Goldman …

     Et puis mes preferrés Renaud ,Balavoine , Leforestier , Barbara ..

    Le soir j’écoutais  des trucs un peu planants, Vangelis et St Preux, oh oui, St Preux, tout une époque ( tiens Marc si tu passes par-là, je suis sure que tu écoutais St Preux)

    Dans mon appartement, j’avais installé mon radio cassette dans une bibliothèque, c’était mon réconfort, ma bouée ;

    A notre mariage, on nous a offert un lecteur CD.

    J’installais mon appareil à cassette dans mon atelier, puis au sous-sol dans l’ancienne maison au bord de l’eau.

     

    Je finissais par installer ce vestige dans  la chambre de Rose, elle écoutait beaucoup de chansons plus petites, comme Ellen, accroc elle aussi ( Steve Waring, Amulette, Imbert et Moreau, des comptines, Mamémo … )

     

    Et puis la semaine dernière, j’ai fait du grand rangement dans la chambre de mon ange, et je me suis dit, qu’elle ne l’utilisait plus.

     

    Alors, je l’ai débranché. Et

    Non, pas possible, il n’est pas en bout de vie

     

    Il finira sa vie, dans ma véranda

     

    Mon cadeau de Bac, il y a exactement 25 ans.

     



     



  • Sortir de l'enfer

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    Depuis plusieurs semaines Louis c’était retranché, il avait besoin d’isolement, se sentait menacé

    Je n’avais plus de réponse à ses mails, le téléphone me laissait seule avec le répondeur, j’étais certaine qu’il allait mal

    Je tentais d’aller le voir, rien, il apparaissait à sa fenêtre

    Je souffrais en silence, dans l’attente, l’été fut long, très long, l’automne aussi

     

    Un matin de décembre, ma mère m’appelle, elle était totalement bouleversée, elle avait voulu rendre visite à son fils, en vain, il ne répondait pas

    Elle avait réussi à voir la femme de ménage, qui lui appris alors que Louis n’était pas sorti depuis trois semaines, sa voiture ne bougeait plus, plus courses, plus de nourriture, plus rien

    Avec mon père, ils avaient réussi à le voir enfin, il ne se lavait plus, il portait des vêtements en lambeaux, une barbe, un visage amaigri, il leur dit qu’il allait bien

     

    Ma mère désemparée  m’appela au secours, j’étais totalement anéantie, effondrée, terrifiée, je faisais le calcul, les jours étaient comptés, il fallait vite le sortir de là

    Totalement seule à ce moment je pleurais, et quand les larmes furent fatiguées, je fus saisir d’un sursaut incroyable

    Je pris alors mon téléphone, et j’appelais plusieurs personnes, les amis de Louis, une assistante sociale, plein de monde                                                                                              

    J’étais incapable de rester à attendre, j’aurais voulu sauter dans ma voiture, aller le chercher en hélicoptère, il était tout simplement impensable d’accepter un tel drame humain, je sentais un bout de moi partir, c’était la pire des choses qui pouvait se produire

     

    Le soir venu, je partais quand même chanter

     

    Les jours qui suivirent, je passais beaucoup de temps à soutenir mes parents, j’étais trop loin pour agir, mes je leur donnais des conseils, des lieux ou aller, leur assurant qu’on allait le sortir de là, qu’il ne pouvait rien  sans nous

    Le problème étant d'hospitaliser contre son gré une personne majeure 

    Il fallait persuader les pompiers, les services sociaux

    Une amie de Juliette fit accelerer les choses, la police finit par arriver à le convaincre d’accepter l’hospitalisation en psychiatrie

     

    Petit à petit, Louis réapprit à vivre, avec sa maladie

     

    Un jour d’avril, mon téléphone sonna, au son de sa voix, j’étais totalement sure qu’il était enfin sorti de cet enfer

    Nous nous sommes retrouvés petit à petit, comme avant, il lui fallait beaucoup de temps, le plus lourd était passé

     

     

    Juliette et Maggie m’ont épaulé durant ce drame, quelques semaines plus tard, Juliette du faire face à  la mort de son jeune frère, terrassé brutalement, à mon tour  je la consolais .

     

    Triste vie

     

    Ne laissez pas faire

    Ne fermez pas les yeux, les oreilles, sauvez, sortez si vous le  pouvez ceux qui sont enfermés dans tant de souffrance, ne vous faites pas peur de ce que vous ne connaissez pas

     

    Ça va vite parfois, très vite, trop vite. la descente, le non-retour

     

    J’ai sauvé la moitié de moi-même

     

     

  • Le samedi soir

     

    Le samedi soir, c’était toujours le même rituel

    Après avoir fait une douche, nous passions à table

    Ma mère avait acheté de la délicieuse charcuterie au boucher de Rauville qui passait le midi

    Puis tous ensemble, on regardait la télévision, les variétés des Carpentier, les « top à «  et plus tard « Champs Elysées « 

    On ne sortait jamais, on ne recevait pas non plus

    C’était une soirée entre nous, j’aimais ça

     

    Nos samedis soirs sont réservés aux amis

    Nous recevons et nous sommes invités

    C’est un jour dans la semaine pour la convivialité, les échanges, les petits plaisirs de la table

     

    Les enfants peuvent se coucher tard, Rose et Mark dorment ensemble, ils adorent ça

     

    Les soirées sont programmées à l’avance, entre les spectacles, les WE à l’extérieur, il faut parfois prendre les devants

     

    Il reste des samedi soir libres parfois, j’adore ça, ça laisse place à l’imprévu, c’est délicieux

     

    Samedi soir, Juliette nous a invité, changement de programme pour eux, disponibilité pour nous

    Les enfants s’entendent bien ils sont adorables

    Après un apéritif et un repas barbecue, Jean Charles nous a passé des vinyles, Gwendal, Maxime Leforestier..

    J’ai adoré, c’était un bon moment, nous nous aimons beaucoup, avons beaucoup d’affection les uns pour les autres

     

    Les samedi soirs au fond n’ont pas changé, chanson, charcuterie et proximité

    Ah si …. Je me lave TOUS les jours