Recroquevillé dans le fond d’un car, un homme d’une vingtaine d’années ne dit pas un mot.
Je pars faire une colo à Sallanches en Haute Savoie, pour trois semaines .Je connais à peine les animateurs, juste le temps d’une WE.
Le directeur est un inconditionnel de jeux de rôles, donjons et dragons, il vit dans ses délires, je fais abstraction.
Le visage de l’homme est familier, je pense l’avoir déjà vu, j’ignore dans quelles circonstances. A l’arrivée, nous échangeons des banalités, il est plutôt distant, n’a pas envie de lier.
Les animateurs sont tous en couples au bout de 4 jours, génial ….
Après le cinquième repas, je me retrouve seule avec Léo, nous faisons connaissance un peu plus, il a fait une colo avec mon frère, j’ai fait un centré aéré avec un de ces frères.
Nous étions dans le même collège, au même lycée, sans se connaître.
Au bout de quelques jours, nous devenons complices, nous avons un humour très proche, corrosif, une vision commune d’animer le centre, une pédagogie bien ficelée.
Nous devenons inséparables, nous partons trois jours camper dans un petit village, resserrons encore plus nos liens .Au bout de 10 jours l’équipe d’animation perd le rythme, nous portons le groupe, enfants et animateurs.Nous adorions chanter ,ce que nous faisions sans réserve ,en group et en duo .
Fin juillet, nous nous quittons comme deux vieux amis, sans adresse, sans regrets.
Je recroise Léo un jour dans un train, il est avec Julia son amie, nous décidons de repartir en centre de vacances, l’été suivant.
J’étais étudiante à cette époque, je terminais en juin, j’enchaînais avec deux colos avant de reprendre en Septembre.Nous nous sommes retrouvés un deuxième été, à nouveau inséparables, d’une grande complicité, une amitié unique, on parlait seuls tous les soirs, deux heures au moins, il me racontait toute sa vie, je lui partageais la mienne. Je n’avais jamais connu une telle relation, lui était très amoureux de Julia, il galérait un peu, buvait beaucoup.
Je me suis installée dans mon premier appartement et aux vacances scolaires, j’allais voir Léo.Nous passions deux jours, tous les deux, souvent Julia avec qui il vivait été partie ou travaillait.
Ils se sont mariés, ils ont eu deux enfants, des jumeaux.nous étions toujours très proches, je les intégrais à mes nouveaux amis, nous étions toujours complices, Léo fut témoin à notre mariage.
Julia le quitta quelques années plus tard, ce fut pour lui le plus grand drame, il ne parvint pas à supporter cet échec, il resta à Rennes.
Nous avons accueilli Léo jour et nuit, craignant le pire pour lui, médicaments, alcool, hospitalisations .Nous avons prêté une voiture, il eu un accident sans gravité.
Les choses avaient changé, j’étais sa bouée, son canot de sauvetage, il s’accrochait moi comme à un roc, je ne savais plus trouver ma place, il devenait exclusif, exigeant une amitié qui n’étais plus la même.
Un soir, chez lui, sous l’effet de l’alcool, il eu une réaction excessive, j’étais déboussolée, j’ai du faire un choix, douloureux, je devais couper tout lien avec mon ami, préserver, protéger …
Je n’ai plus de nouvelles de Léo depuis 9 ans, il ignore l’existence de Rose, je ne sais pas où il en est. Je pourrais peut être lui envoyer une lettre,, pourquoi, dans quel but ?
Nous ne retrouverons jamais notre histoire, j’en garde de bons souvenirs, mais je ressens toujours une énorme ammertume de l’avoir quitté dans de telles circonstances.
Chacun ses parcours, je n’aime pas les ruptures, pas celles là, il n’a pas non plus cherché à me retrouver, c’est peut être mieux comme ça.