Nous avions ,mon frère et moi , une professeur de Français au collège assez particulière .
Elle était souvent très maquillée, portait un manteau de fourrure, très odorant (je me demandais si la bête était vraiment morte ) distinguée, tirée à quatre épingles, jamais vulgaire.
Elle était surtout passionnée de littérature et ça me plaisait, je buvais ses paroles, l’écoutais comme une prêtresse, moi qui n’avais comme lecture à la maison l’exclusivité du catalogue de la Redoute, Clair Foyer, et Télé poche.
Elle possédait de très beaux stylos plumes que j’admirais et surtout une belle écriture, très régulière, raffinée et élégante . Elle nous aimait beaucoup, nous donnions des petits surnoms, et n’eu jamais de mots désagréables à notre égard.
En classe de 5 eme, elle nous proposa de participer à la création d’une petite pièce de théâtre inspirée de quelques scènes de Poil de Carotte, de Jules Renard.
Nous étions partants, restait le problème des transports en cas d’éventuelles répétitions.
Un mercredi matin, ma mère n’ayant pas le permis de conduire, nous avons du prendre nos vélos pour retrouver le père d’un élève, a quelques kilomètres de chez nous. C’était un breton soixante huitard, artiste peintre, il nous embarqua dans une vieille 4L et nous ramena en fin de matinée.
Nous incarnions les personnages de Monsieur et Madame Lepic, je n’étais pas à l’aise du tout à jouer la comédie, ça ne me parlait pas , j’étais très complexée, je n’osais pas regarder les gens ( ça a bien changé depuis, je ne fatigue pas de la scène aujourd’hui.)
Il nous fallu trouver des costumes, qui nous furent prêtés mais je pense que le plus extraordinaire, fut ce soir là, la présence de mes parents, venus à la représentation.
C’est, je pense ,une des rares fois ou ils sont venus au collège, ils ont rencontré Madame L, notre professeur, qui les mit à l’aise, leur fit des compliments sur leurs enfants.
Mes parents se faisaient une frayeur de rencontrer les enseignants, ils ne se sentaient pas à la hauteur de parler avec eux, avaient le sentiment d’être perçus comme des classes inférieures, mêlant le monde ouvrier et agricole.
Ma mère n’est jamais venue au lycée non plus, mais étrangement elle a retrouvé quelques années plus tard, Madame L.