Le dimanche soir, Mark, Rose et moi, nous aimons manger un œuf à la coque
Je n’y pensais plus, c’est simple, c’est bon, mais pendant longtemps j’ai omis de proposer ce rituel aux enfants
J’ai des coquetiers en inox, assortis au reste des éléments de cuisine, en forme de spirale, métalliques, robustes
Un seul inconvénient, si les œufs sont trop petits, ils ne perdent au fond, n’osant pas relever la tête comme des cancres terrés derrière leur bureau de classe
Chez mes parents nous mangions souvent des œufs à la coque
Les coquetiers, en plastique, étaient basiques, sans flonflon, il y en avait six de couleurs différentes
Bien sur, comme tous les gamins, il fallait négocier la couleur, je voulais le rose, je n’en avais pas l’exclusivité, contrairement au bol offert par tante Suzy avec des bretons folkloriques et mon prénom gravé
Louis n’était pas trop revendicateur pour la couleur, l’essentiel, c’était de tremper son pain sans beurre surtout dans l’œuf
Parfois c’était mon père qui tranchait le capuchon de l’œuf, d’une coupe franche, crac, décapité, d’un coup !
Ma mère tapait un peu pour casser la coquille, et elle passait son couteau tout autour, pour retirer calmement la coiffe de l’œuf
J’aimais le goût, fort, le jaune très jaune, or, des œufs de ferme
Ma mère réussissait toujours la cuisson
Le jaune coulait sur la paroi du coquetier en plastique, il fallait le frotter pour l’ôter au lavage
Mon pauvre cocotier rose, perdit vite sa couleur, il devint palot, chétif terne
Je pouvais malgré tout le reconnaître grâce à de légères traces à l’intérieur
Et je réclamais toujours le coquetier rose qui n’avait plus que le nom
J’ai repensé à ces coquetiers et je me suis demandé si ma mère les avait conservés
Louis est allé fouiner dans le buffet de la cuisine, et pour moi, pour vous, a photographié les fameux coquetiers en plastique